La rédaction Thierry Guichard
Articles
Une histoire française
Le premier roman de Lolita Sene, un été chez jida, renoue avec ses racines kabyles, une Histoire douloureuse et l’indicible violence faite à une enfant. L’écriture comme un baume.
Elle est aujourd’hui vigneronne, produit des vins subtils et joyeux auxquels elle donne parfois un nom venu de l’enfance comme à son cinsault de soif, Couscous. Et peut-être a-t-elle appris en soignant avec de la valériane les vignes blessées par la grêle, qu’on peut appliquer sur les blessures de quoi cicatriser les plaies et renforcer les corps. Un été chez Jida est un roman qui soigne, où les mots viennent de loin, sont posés sur la page avec une précaution qui les rend plus prégnants. Roman parcellaire, fait de chapitres courts qui sont comme des pièces d’un puzzle difficile à...
Un auteur
Eric Holder : la fraternité à l’usage du temps
Prix Novembre 1994 avec La belle Jardinière, Eric Holder est comme les grands vins. Il se bonifie chaque année un peu plus. Jeune, il offrait toute sa générosité jusqu’à irriter un peu le palais. Mâture, il est si dépouillé que loin d’étancher la soif, il la suscite. Parution de L’Homme de chevet.
Dans cette partie de la Brie, le printemps tresse un maillage de vert et de jaune, où le colza jette les feux d’un soleil absent du ciel. La route, après Coulommiers, enfile quelques virages, parce qu’il lui faut bien trouver à s’occuper. Le vent fait ondoyer la terre. En limite de la Seine-et-Marne, Thiercelieux s’est offert un peu de célébrité. Même s’il n’y a que les lecteurs attentifs...
Un livre
F. Scott Fitzgerald, biographie
de
Matthew J. Bruccoli
L’homme aux ailés brûlées
Savez-vous quand Francis Scott Fitzgerald but pour la première fois un whisky ? C’était en mars 1913, le jeune homme n’avait pas encore 17 ans mais possédait une riche arrogance. Le détail paraît futile, il montre du moins avec quelle exigence de précisions, Matthew J. Bruccoli s’est attelé à sa tâche de biographe. On suit donc l’auteur de Gatsby le magnifique depuis sa naissance le 24...
La grande cène du monde
Nommer c’est créer. Fort de ce credo, Valère Novarina convoque plus de trois mille bouches pour manger le monde tout en le créant. Gigantesque.
Il faut lire Valère Novarina à voix haute. Laisser le ventre, puis les poumons éjecter ces mots que lisent nos yeux. Il faut y aller franchement, comme on plongerait dans une piscine. Ne pas s’arrêter tout de suite au déchiffrage, à la quête du sens. Novarina écrit d’abord en rythmes, en sonorités. Ses phrases rebondissent de césures en rimes, d’alitérations en inventaires. Il faut s’y...
Un livre
La Vie le fard de Dieu
de
Charles Duits
De la lumière à la pénom
Poursuite par Le Bois d’Orion de l’exhumation de l’oeuvre de Charles Duits, poète et voyant, qui durant quatre ans a tenu un journal d’une rare exigence.
Après La Conscience démonique et Le Pays de l’éclairement (cf MdA N°8), Le Bois d’Orion livre pour la première fois l’intégralité du journal de Charles Duits, poète encensé par Breton, mort en 1991.
Comme tous les journaux, La Vie le fard de Dieu oscille entre la rigueur d’un projet d’écriture et la tentation de préserver la mémoire du quotidien. Ces quatre années, de 1968 à 1971, montrent...
Médiatocs – chronique
Pare-chocs du moi
Écrite précipitamment dans l’absence de style, l’autobiographie de l’ancienne directrice du Monde des livres atteint à des abysses de pensée. Du moment que ça la soulage….
Elle était la directrice du Monde des livres jusqu’au jour (« un matin de janvier 2005 ») où on lui annonce qu’elle est démise de cette fonction pour redevenir une simple journaliste. Josyane Savigneau vit d’autant plus mal sa mise au placard (qui la vivrait bien ?) que celle-ci la renvoie à un complexe d’imposture qui l’habite depuis toujours et qu’elle va tenter de résoudre en écrivant ce Point de côté. On espérait une réflexion sur le métier de journaliste, une description des rouages de la critique parisienne ou au moins une véritable plongée dans les mécanismes intimes, inconscients...
Un âne, des mots
Claire Castillon a probablement un vrai talent d’écrivain. Mais ses lecteurs ont assurément beaucoup de patience. Son nouvel opus, indigeste en diable, impose une lecture éprouvante.
Cette rubrique, consacrée aux très médiatiques romanciers allait tranquillement vers la proclamation d’un axiome incontestable. Quelque chose comme : un best-seller se fabrique. Dès sa conception jusqu’à son écriture, un best-seller imite plutôt la pente douce (qu’on dévale sans y prendre garde) que la montée abrupte qui nécessite effort et courage. Les ingrédients du best-seller se trouvent...
“ Les mecs, on la perd ! “
Quels ingrédients faut-il pour faire un best-seller ? Une louche de clichés alignés par un style de collégien attardé et assez de cynisme pour prendre ses lecteurs pour des gogos.
Prenez une pincée de Paulo Coelho, le romancier philosophe pour ménopausés du cerveau, dont vous extrairez des préceptes profonds du genre : « accepte le destin qui est le tien et donne aux autres le meilleur de ton temps ». Cette morale à deux sous qu’adorent tous les apôtres de la domination (que les miséreux acceptent leur misère et ne viennent pas nous emmerder) nous est assénée par...
Courrier du lecteur – chronique
La preuve par huit
Publié il y a treize ans aux États-Unis, « Surfiction » est un essai réjouissant. Clair et incitatif, il donne les bases d’une réflexion en mouvement.
Constitué de huit textes vifs, Surfiction traverse une bonne partie de la littérature de création (« le roman expérimental ») des années 60 à aujourd’hui plus particulièrement aux U.S.A. Raymond Federman sait de quoi il parle, puisqu’il fut un des premiers de sa génération avec Quitte ou double (1971) à révolutionner le roman (dans la lignée de Cervantès, Sterne ou Joyce). Le bonhomme n’hésite d’ailleurs pas à se citer lui-même…
Le texte inaugural est un « manifeste postmoderne » : écrit en 1973, ce texte programmatique n’a pas pris une ride, si ce n’est, peut-être, dans l’utopique part...