RUBRIQUE Intemporels
Les articles
Un livre
Famille de Pascal Duarte
de
Camilo José Cela
De Charybde en Scylla
Dans son premier roman, l’Espagnol Camilo-José Cela (1916-2002) fait le portrait d’un homme dont le malheur est le seul chemin.
Un père brutal et alcoolique, ayant fait un séjour en prison pour contrebande (il sera mordu par un chien enragé avant de mourir dans d’atroces souffrances), une mère violente et ivrogne elle aussi (que son fils se souviendra avoir vue se laver une seule fois), une sœur prostituée, un jeune frère dégénéré (à qui un cochon arrache un jour les deux oreilles et qui se noie dans une bassine d’huile)… Bienvenue dans l’univers de La Famille de Pascal Duarte, qui inaugurait en Espagne, lors de sa parution en 1942, le courant esthétique du tremendisme, caractérisé par la succession de scènes...
Dans la peau d’un parano
Avec Un démon de petite envergure, l’écrivain russe Fiodor Sologoub (1863-1927) campe un personnage inoubliable : l’homme persécuté.
On n’a pas souvent l’occasion, même dans les comédies de Molière, où la caricature est pourtant poussée à son paroxysme, de croiser des êtres de papier aussi antipathiques que ce Peredonov, professeur de collège dans une petite ville russe et parfait antihéros de ce roman.
Voici donc un homme qui n’aurait que des défauts ? Mieux encore : il les a tous. Il est à la fois médiocre, mesquin,...
Un livre
Fou du tzar
de
Jaan Kross
Au nom de la vérité
Avec Le Fou du tzar, l’Estonien Jaan Kross nous entraîne dans la Russie du XIXe siècle, où il valait mieux taire ses convictions.
La liberté n’a de sens que si elle implique le droit de dire aux gens ce qu’ils n’ont pas envie d’entendre », pouvons-nous lire dans la préface de La Ferme des animaux (1945 – une préface d’ailleurs écrite par George Orwell lui-même). Pour avoir adopté, avec un bon siècle d’avance, ce principe de liberté totale, Timotheus von Bock (héros malgré lui de ce roman) aura passé neuf ans en prison...
À la rue
Tom Kromer entraîne son lecteur dans sa propre vie et dans les bas-fonds de la société américaine des années 1930. Une lecture oppressante.
Qu’on ne s’y trompe pas : Tom Kromer (1906-1969) n’est ni un hobo (ce vagabond volontaire épris de liberté, opposé à l’American way of life, que l’on retrouve dans les romans de Kerouac), ni un tramp (le travailleur saisonnier contraint au vagabondage pour trouver du travail), et encore moins un homeless (un sans-abri, le terme étant apparu aux États-Unis dans les années 1970), mais un stiff,...
Exercices de survie
Dans Le Musée des redditions sans condition, l’écrivaine croate Dubravka Ugrešic (née en 1949) fouille la mémoire de deux exilées.
Il faut attendre la page 261 pour faire la connaissance de Roland, l’éléphant de mer du jardin zoologique de Berlin. On y apprend qu’il rendit l’âme le 21 août 1961 et qu’une vitrine, exposée près du bassin qu’il occupait, présente les objets qui ont été retrouvés dans ses entrailles (entre autres merveilles improbables : un compas, un cadenas, un pistolet à eau en plastique, une broche...