Attaché qu’il est à l’amour des textes, on n’est guère surpris de savoir que le Dilettante rechigne plus à parler de soi que des textes publiés. En moyenne, un manuscrit par jour transite au 11, rue Barraut. Le système est rituel. Le sort de votre manuscrit se joue chaque mardi soir. C’est en effet ce jour ou plutôt cette nuit que l’ensemble du Dilettante se réunit. Cinq à six personnes au total. On distribue les textes reçus puis chacun discute de sa précédente lecture. Si votre manuscrit suscite une première attention, il circulera dans deux ou trois paires de mains supplémentaires pour finir, en cas de succès, dans celles du groupe entier. L’avis favorable intervient généralement deux à trois mois plus tard sauf circonstances exceptionnelles. Par exemple, André Blanchard pour Entre Chien et Loup a été accepté immédiatement, sans aucune discussion. En revanche, Alain Bonnand a dû attendre près de six mois pour savoir que son manuscrit Les Jambes d’Emilienne ne mènent à rien était retenu. « Nous avions perdu son adresse, se souvient José Benhamou. Pour seuls indices, nous avions son pseudonyme en fin de texte : le Hussard noir et sa région d’expédition : la Champagne-Ardenne. Heureusement, un ami (qui avait trouvé le texte détestable) l’avait reçu aussi. On s’apprétait autrement à passer une petite annonce dans l’Union et l’Ardennais ».
Pour les autres, moins chanceux, une lettre leur indiquera le degré d’attention que le comité de lecture a porté sur leur texte. La première, la lettre type ou « lettre polie » n’est pas bon signe. Votre manuscrit a été lu par la première personne et celle-ci n’a pas jugé utile de faire partager sa lecture. La seconde, plus personnalisée ou « lettre circonstanciée » vous expliquera les raisons du refus. Dans ce cas, il n’est pas rare qu’un deuxième texte vous soit demandé.
De toute façon, pas d’abattement, ni de sentiment d’injustice. Les places sont chères au Dilettante. Sur l’ensemble du catalogue, seuls Alain Bonnand, Vincent Ravalec, Sylvie Simon, Philippe Lacoche, André Blanchard, Pierre-Edmond Robert et Eric Holder ont franchi la porte de la Maison grâce à leur audace. Sans pour autant que cela soit ensuite synonyme de laisser-passer. « André Blanchard, on a accepté son premier texte mais on a malheureusement refusé tous les autres », rappelle José Benhamou.
Éditeur Chemin balisé
janvier 1993 | Le Matricule des Anges n°3
Tous les mardis, le Dilettante passe en revue les manuscrits reçus. La sélection est rude mais reste ouverte.
Un éditeur