Le Serpent à Plumes continue d’explorer, sous la forme de courtes fictions, les rivages de la littérature internationale avec pour sa dix-neuvième livraison, un numéro consacré au Japon. Confrontée à la diversité de cette littérature, la revue a pris le parti de présenter des textes d’auteurs contemporains (Inoue, Fukazawa, Oe, Yamada, Murakami, Nakagami, Kaiko) principalement nés après la Seconde Guerre mondiale, accompagnés d’auteurs non-japonais (René de Ceccaty, Dominique Noguez, Cees Nooteboom et sa très belle évocation de Kyoto) dont la connaissance du pays du Soleil Levant en font des témoins avertis. Loin des références lyriques ou de l’enseignement des vertus traditionnelles, (exceptés le thème des mariages de convenance et celui des esprits maléfiques traités par Inoue et Nakagami), ce sont plutôt des questions de société qui sont mises en scène, à travers un regard teinté d’un puissant et féroce réalisme. Elève surdoué des Trente glorieuses, le Japon a grandi trop rapidement. Les nouveaux modes de vie engendrent, poussées à l’extrême des situations grotesques et absurdes.
Que ce soit l’émancipation des femmes chez Yamada, où une jeune fille apprend le métier de call-girl dans un club sado-maso très huppé, l’éclatement du tissu familial chez Fukazawa où l’aveu d’un père voleur conduit le fils dans un saisissant et drôle épisode meurtrier, l’aliénation d’une société par la télévision (Murakami) ou le traumatisme d’Hiroshima (Kaiko), chacun montre à sa façon les effets pervers d’une société sur-dimensionnée, devenue folle qui a perdu, par la tentation, le goût de la simplicité.
Éditeur Regards d’Orient
janvier 1993 | Le Matricule des Anges n°3
| par
Philippe Savary
Un éditeur