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Poésie Doublures et bris de miroir

octobre 1994 | Le Matricule des Anges n°9 | par Emmanuel Laugier

Avec L’If d’Hélène Clerc et Opossums de Marc Desombre Grands Fonds donne à lire des proses inclassables : autant d’abris pour « les marges extérieures »

Il faut laisser faire les jardins

Chez Cheyne-éditeur on trouve, depuis maintenant plus de dix ans, la collection verte, exclusivement réservée à la parole de poésie, les Poèmes pour grandir, confiés aux soins de Martine Mélinette, et depuis peu la rouge ou Grands Fonds dirigée par Jean-Marie Barnaud et Jean-Pierre Siméon. Qu’on se penche sur le titre de cette collection, sur les livres qui la composent, et l’on voit que son enjeu est de donner une chance à des écritures inclassables, émargées, qui n’appartiennent ni au strict souci de la coupe franche du poème, ni à la narration romanesque, ni au ton du récit, ni à l’intimité du journal… Grands Fonds est par là l’expression d’une largesse, celle d’écritures qui, par elles-mêmes, s’excluent de tout genre littéraire codifié. Accueillante, cette collection n’est pas pour autant le réservoir du n’importe quoi. Elle ne donne pas à lire de l’écrit sur l’écriture. Non, le projet est plus simple et sans doute plus authentique, ils’ouvre donc à de véritables exigences formelles. Les deux derniers volumes publiés, Opossums de Marc Desombre et L’If d’Hélène Clerc, creusent cette même voie, la mènent vers ce que l’on ne sait encore d’elle.
Avec L’If d’Hélène Clerc, son premier livre, le ton est vite donné dès les premières lignes : solitude, vieille femme, monologue et puis cette phrase grinçante : « marcher au bord de la mer, avec deux cannes, en écoutant ricaner les mouettes et les cadavres des noyés… ». Tout le long de ces pages, on va sourire, rire franchement même, en se laissant aller à sa pente, ou avec une gêne, un peu de crispation. Ici, les tranches mornes du quotidien se réduisent à la demande journalière de treize rondelles de saucisson, s’élargissent donc de ces décalages, intègrent aussi à leur réalité grise et plate tout un fond merveilleux. Un balancement constant entre la rigueur du temps et sa suspension par ces sortes de contes conduit la parole d’Hélène Clerc à être d’un côté au plus près de l’ici-maintenant, et de l’autre détachée et légère, sans aucun lien avec la réalité. Ainsi c’est à ses vies antérieures que cette femme nous ramène, à ses mères, l’une gitane au regard noir, l’autre qui la vendit dans un bordel en Orient, à son unique père qui « à Alésia, en tombant transpercé par les épées des soldats de César, aux thermopyles, à Hiroshima, dans toutes les défaites, (…) eu le dernier mot, le mot de la fin, « merci » ». Quant aux visages de cette femme, il reste à les découvrir en recueillant dans leur polymorphisme le dernier sourire de qui n’eut comme seul destinataire que l’écho de sa propre voix dans le silence d’une chambre.
Opossums de Marc Desombre se donne à lire comme un journal de bord. On y trouve l’indication des dates, des heures, mais fragmentées, suspendues par la trace de points de suspension. La continuité de ce journal est ainsi rompue. Ces pages ne sont que des pans de mémoire qui se recoupent ou s’éloi-gnent les uns des autres. Dès lors,tout va s’amorcer à partir de cet aveu : « comme je tenais un miroir et qu’il m’échappa des mains, je fus privé de la vision de mon visage ». Tout le livre sera le lent ressai-sissement de la figure perdue. L’extrême littéralité de l’écriture et la façon dont les événements se réduisent à « trois fois rien », tout cela cherche aussi l’issue, là où c’est « la condamnation » à l’errance. Dévisagé, Desombre va rassembler les bris et les restes du miroir dans lesquels se diffractait son visage : ce sera dire que là où un homme « s’amenuisait, l’espace en lui s’élargissait ».

Cheyne-éditeur
(43 400 Le Chambon

 sur-Lignon)
112 et 64 pages,
78 FF chacun

Doublures et bris de miroir Par Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°9 , octobre 1994.
LMDA papier n°9
6,50