S’éloigner du monde ne serait pas le quitter, mais en refuser quelque chose, une impatience, une abondance, pour aller vers la forme la plus pure de la joie : le nuage.
Avec une écriture du sommeil, de la demi-conscience claire, celle qui nous fait dire ce que nous ne sauvons pas, juste avant de nous endormir, cette sorte d’eurêka, de sursaut, de refus de sombrer (« L’émerveillement crée en nous un appel d’air. L’éternel s’y engouffre à la vitesse de la lumière. »), Christian Bobin boucle une légèreté, « cette conscience radieuse de n’être rien », une solitude en quelque sorte, parce qu’il en connaît maintenant la lumière ouverte, comme une douleur : « Une longue épée de silence s’enfonçait parfois dans mon cœur, et je ne pouvais l’enlever sans aussitôt provoquer une hémorragie : je choisissais donc de me taire et d’écrire ce genre de phrases gouvernées par le blanc. »
Ce qui est à venir, dans le mot, dans la phrase, c’est encore le silence, ou peut-être une approche silencieuse du mot, de la phrase, comme une chute, une connaissance de soi dans la jachère, écrit de cette façon selon Eckhart : « Nous prions dieu d’être libéré de dieu. »
L’Eloignement du monde
Christian Bobin
Editions Lettres Vives
60 pages, 79 FF
Dossier
Christian Bobin
Loin du monde
décembre 1994 | Le Matricule des Anges n°6
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