Point de départ : une rue en trompe-l’œil sur un décor de cinéma. Nicolaï, à 45 ans est devenu décorateur et peint sur panneaux des images de commande. Le passé réclame son dû, il ressurgit au détour d’un pari stupide. Et impossible de le bâillonner, d’oublier tous ces chemins fous qui ont mené à cet endroit précis et immuable : le présent.
Rue du Prince-Alexandre : Nicolaï est projeté dans la vie par l’intermédiaire de son premier amour, Sophia la domestique. Nicolaï vient de quitter l’enfance, son parcours peut commencer. Nous sommes au début du siècle à Odessa. Quelques années plus tard, la révolution d’Octobre. Nicolaï est anarchiste. Rencontres avec des hommes remarquables : Von Banasczek grand lecteur de Schopenhauer, adepte du chaos total pour qui pendant la guerre « la fin du monde recommence tous les matins », plus tard Azemov, terroriste qui s’enfuit aux îles Marquises où Nicolaï le rejoindra, Miroslav qui dirige une déambulante troupe de comédiens « le théâtre, c’est ce qui nous soulage de la réalité », aussi un étrange vieillard à San Francisco qui lui offre son livre signé Joseph Conrad, et encore à Paris un certain Picasso… Et puis, bien sûr, il y a tout le reste qui apparaît par petits flashes irradiants sur 76 courts chapitres qui sont autant de voyages dans l’espace et dans le temps, parcours initiatique comme l’est en définitive toute existence. « Le visage d’un homme qui se souvient est le visage d’un mort. » Sébastien Doubinsky, l’auteur, la trentaine, fait du faux minimalisme. Il écrit court, certes, mais juste, visant au cœur chaque scène, il touche le point sensible avec un minimum de mots, ne s’embarrasse pas du superflu, écorche l’exacte vérité. Toutes ces vies parallèles ont une cohérence intime, une unité interne très forte. Un premier roman au charme subtil.
Les vies parallèles de Nicolaï Bakhmaltov
Sébastien Doubinsky
Actes sud
118 pages, 78 FF
Domaine français Le subjectif présent
décembre 1994 | Le Matricule des Anges n°6
| par
Alex Besnainou
Un livre
Le subjectif présent
Par
Alex Besnainou
Le Matricule des Anges n°6
, décembre 1994.