Bernardo Atxaga n’en revient pas de pouvoir vivre de la littérature et poutant cet écrivain de quarante-quatre ans a déjà à deux reprises incarné la littérature basque. En 1974, d’abord, avec Etiopia, un recueil de poèmes qui a bouleversé la poésie basque. En 1989, ensuite, avec Obabakoak : Prix national (espagnol) de littérature, Prix de la critique (espagnole) et Prix Euskadi. Pour certains l’heure de la revanche avait sonné : Madrid reconnaissait enfin un écrivain basque. Atxaga court vite le risque de se retrouver « coincé » dans la situation, à la fois flatteuse et difficile, de l’écrivain basque « de service ». Les Basques n’avaient pas attendu ces prix pour faire à Obabakoak le triomphe qu’il méritait : 30 000 exemplaires vendus dans une langue que ne parlent que 700 000 personnes. Bernardo Atxaga, qui, lui, ne rêve que de « manipuler » des formes littéraires dans un coin de son « atelier », reste lucide face aux propositions honnêtes (écrire dans les journaux) et aux malhonnêtes (changer définitivement de langue) qu’on lui fait : « Quand j’étais jeune, je croyais que la tentation était très facile à surmonter. Maintenant je comprends vraiment ce que c’est. ».
Véritablement heureux quand il écrit, Bernardo Atxaga s’est retiré dans un village des alentours de Vitoria, à 50 km au sud de Bilbao - « je suis à la retraite ». Il ne pourrait plus, dit-il, vivre à San Sebastian. Il y a travaillé onze mois dans une banque après des études de sciences économiques, puis il s’est lancé, sur le tard, dans des études de philosophie pour finalement se consacrer entièrement à l’écriture. Pourtant San Sebastian, Donostia pour les Basques, station balnéaire du début du siècle qui affiche sans retenue sa richesse et sa puissance n’est pas en ces derniers jours de juillet un lieu si désagréable. Des enfants plongent dans les eaux du port et narguent les pêcheurs qui ont jeté là leurs lignes. Des tablées de femmes âgées filent la chronique de l’été dans la fraîcheur des terrasses des cafétérias. A quelques centaines de mètres, sur une place du centre-ville, se tient un meeting nationaliste où l’on discute du bien-fondé d’un « secuestro » (un enlèvement) perpétré par Iparretarrak (Ceux du nord) qui partage en ce moment le pays basque. Un jour comme les autres…
Pour vous, être basque, c’est d’abord parler l’euskera…
Oui, c’est notre seule véritable différence. Le pays basque, Euskal Herria, c’est littéralement « la terre où on parle l’euskera ». Je crois que notre rapport à l’euskera est ce qui caractérise le mieux notre comportement et notre manière de vivre. Nous ne pouvons le perdre sans nous perdre nous-mêmes.
Quels sont les préjugés les plus souvent reconduits sur l’euskera ?
C’est une langue de gens simples. On en déduit alors que c’est une langue trop simple, incapable d’exprimer les choses de l’âme ou celles de la culture. Ce préjugé est insoutenable. Il y a une équivalence ontologique des langues. Les linguistes...
Entretiens Bernardo Atxaga : le renard dans la bibliothèque
septembre 1995 | Le Matricule des Anges n°13
| par
Christophe David
Héros plus qu’il ne le voudrait de la littérature basque avec Obabakoak, Bernardo Atxaga refuse de devenir un écrivain national. Il appartient à une tradition culturelle, la littérature. Parution de L’Homme seul.
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