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Domaine étranger Un homme sans qualités

septembre 1995 | Le Matricule des Anges n°13 | par Christophe David

La Première Pierre est la biographie à la fois tendre et cruelle de l’homme ordinaire. D’après Sergi Pàmies, brillant bâtisseur de vies sans éclat.

Lorsqu’est sorti en 1988 le recueil de nouvelles Aux confins du fricandeau1, la notice biographique -forcément laconique quand l’auteur a 26 ans- résumait ainsi le parcours de Sergi Pàmies : « Il fait des études médiocres, il rate son baccalauréat et rentre dans l’administration ». Avec ce premier livre, ce cancre plutôt doué, né à Paris en 1960 et qui a vécu à Gennevilliers jusqu’à l’âge de 12 ans, s’est affirmé -avec Quim Monzo2 en compagnie duquel il anime une émission de radio à Barcelone- comme l’un des jeunes prodiges de la littérature catalane. Depuis sont parus un autre recueil de nouvelles : Infection et deux romans : L’Instinct et aujourd’hui La première Pierre.
Sergi Pàmies ne fait jamais directement référence dans ses histoires à l’Espagne contemporaine. Elles se déroulent toujours dans des lieux sans nom, sans mémoire. Elles adviennent dans un présent sans passé précis et se referment sur une absence d’avenir. Ce qui caractérise le mieux le style de Pàmies, c’est l’évidente « distorsion » entre d’une part la richesse de son imagination, la minutie de ses descriptions et d’autre part la pauvreté de ses « chutes ». Il accumule des éléments qui entre les mains d’un habile raconteur d’histoires seraient matière aux plus beaux effets, mais s’acharne systématiquement - ce qui dans le cas des nouvelles est contraire aux lois du genre- à décevoir son lecteur. Les événements les plus étranges, les rencontres les plus inattendues ne parviennent pas à trouer le règne de l’ordinaire.
Pàmies aime observer ses contemporains avec humour, sourire, froideur sans jamais se laisser déborder par les sentiments. Pourtant tendresse et cruauté ne manquent pas dans ses histoires : elles s’y équilibrent.
Ainsi, dans La Première Pierre, le lecteur apprend que dans la « petite » vie du narrateur, recueillir chez lui un plombier rescapé d’un incendie (qui deviendra son patron) ou capturer un exhibitionniste à la demande de sa sœur et d’autres mères de famille, constituent des actes héroïques. Mais sa vie n’est petite que parce qu’il est faible, incapable de dire non. Il accepte sans aucune révolte mais sans aucune résignation non plus, en les laissant « glisser » : le sadisme de son entraîneur sportif pour qui malgré ses résultats il sera toujours un remplaçant, l’infidélité de sa maîtresse, une femme mariée qui lorsqu’ils font l’amour lui donne le prénom d’un autre de ses amants, les mauvaises plaisanteries de son patron ou encore les interrogatoires de sa sœur. Il n’est pas indifférent mais il est ainsi fait que tout ceci ne l’affecte que superficiellement. Pourtant le monde l’intéresse. Il réfléchit beaucoup. Sur n’importe quoi de préférence. Il peut ainsi s’absorber dans la contemplation de ses pieds en se demandant pourquoi il faut « qu’ils soient si parfaitement symétriques » ou bien décider de mener une enquête autour de lui pour éclaircir des questions fondamentales comme : pourquoi les femmes n’aiment pas le football ? Finalement ce roman, qui à sa manière est un roman de l’absurde, engendre une poésie drôle et légère qui fait de son héros le petit-fils de Plume ou de Monsieur Hulot.

(1) Les nouvelles et romans de Sergi Pàmies sont tous publiés chez Jacqueline Chambon et traduits par Edmond Raillard. Aux Confins du Fricandeau est disponible dans la collection « Motifs » du Serpent à plumes
(2) Auteur du somptueux Olivetti, Moulinex, Chaffoteaux et Maury, Le Serpent à plumes, 1994.

La Première Pierre
Sergi Pàmies

traduit du catalan
par Edmond Raillard
Jacqueline Chambon
186 pages, 98 FF

Un homme sans qualités Par Christophe David
Le Matricule des Anges n°13 , septembre 1995.