La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Domaine français Max Rouquette : la garrigue pour cosmos

mars 1997 | Le Matricule des Anges n°19 | par Dominique Aussenac

À travers le monde de la garrigue, Max Rouquette exalte la dimension métaphysique des combats humains et redonne ainsi naissance à la tragédie.

Le Grand théâtre de Dieu

Auteurs en scène N° 1 ; Max Rouquette ou la tentation théâtrale

Max Rouquette, né en 1908 à Argelliers, entre Montpellier et le Causse du Larzac est un des écrivains les plus importants de la littérature occitane contemporaine. Maîtrisant arts poétiques, dramatiques et prose, cet ancien médecin a su donner à son écriture un souffle universel. Le Grand Théâtre de Dieu constitue la deuxième partie de son œuvre générique : Vert Paradis. Jamais publiées en français, traduites de l’occitan par l’auteur, ces treize nouvelles présentent la garrigue comme un vaste amphithéâtre dans lequel les êtres s’ébrouent, rayonnant de toute l’intensité tragique de leur âme. Antithèse de l’univers de Pagnol ou de Delteil, plus proche de celui de Giono, la garrigue surprend par son extrême dureté et sa sauvagerie, enfer plutôt que paradis où les hommes vivent isolés, hors du monde, dans des îlots : mas, villages recroquevillés autour d’un clocher. Malgré la grande diversité de plantes, d’arbres, d’animaux qu’elle abrite, que l’auteur connaît bien et décrit admirablement, c’est une sorte de désert que l’homme traverse. Cet extrême isolement est renforcé par l’idée d’exil intérieur de l’être que l’on retrouve dans Le Feu grégeois. « D’une guerre entre Grecs et Turcs, à la fin de la Grande, du carnage qui s’y fit, et de ses destructions sans fin, une longue vague était venue jusqu’ici avec cette troupe d’une cinquantaine d’exilés, échappés à la violence et aux couteaux des égorgeurs, et placés par le pouvoir de la sacro-sainte administration, fort embarrassée de ce présent dont elle se serait bien passée, en résidence au Mas Vieux de Gardies. » Grecs, porteurs des feux de la tragédie, qui de bacchanales en orgies, d’orgies en rixes vont développer un nouveau drame. L’attente, la nostalgie, les excès les feront entrer en fission avec la fournaise, ils bouteront le feu au mas, lieu anachronique de civilisation au milieu de l’enfer vert qui débarrassé de toute présence humaine se réenchantera, « rendu au silence, au grand passage du soleil et des constellations, sans fin, rendu aux oiseaux, aux serpents, à la sauvagine, aux caprices du vent, au pouvoir patient et inépuisable de la sève, à la loi obscure du poids des choses ». Les hommes vibrionnants dérangent, par leur propre chaos, l’ordre de la nature, structuré suivant le principe de renaissance : renouvellement saisonnier d’énergies, éternel recommencement. À l’instar du soleil, Dieu et la religion semblent ici tout écraser, tout régir, catalysant peurs et angoisses, mais les dorures-certitudes du catholicisme s’écaillent et laissent percevoir les antiques croyances. Dans Le Saint des Murailles, des villageois adorent une sculpture en bois venant du fond des âges, vierge grossièrement maquillée en saint. « Ce saint, son nom le dit, n’est pas très catholique. Adornin, c’est Saturnin, et Saturnin, c’est Saturne, et Saturne, c’est le temps, et le temps… c’est l’éternité. » Une éternité dont Dieu n’a évidemment pas le monopole. Max Rouquette donne de la religion, une représentation fantastique, souvent lugubre comme dans Le Pénitent Noir ou il réécrit l’histoire religieuse dans Le Temps des Dieux, une étrange Nativité dans laquelle il détourne l’adoration des mages pour l’Enfant-Roi, en focalisant sur deux d’entre eux troquant vieillesse contre jeunesse, sagesse contre éclat et pétulance. « En toute nuit, il cherchait la lumière : la nuit des temps, la nuit étoilée, la nuit des songes, la nuit des autres, la nuit de la chair. » L’auteur est fasciné par la force de désir de l’homme, force bestiale, tellurique qui explose toujours en drame. Désir de l’émigré pour la femme blanche et vengeance-ratonnade en pleine garrigue dans Le Kroumir. Désir de l’enfant, symbolisé par un chien qui fonce éperdu dans les ténèbres, coursant un blaireau et finit emmuré dans L’Étoile du Matin ou de cet autre enfant qui trépigne de découvrir le cinématographe, accompagné de son grand-père traverse la garrigue jusqu’à la place du village où son « cœur mal fait » lâchera. La communauté se détournera de la lanterne magique, entourera l’enfant mort dont les yeux restés ouverts « miroirs endormis pour l’espace vide » refléteront l’immensité du ciel, extraordinaire écran. La seule délivrance pour Max Rouquette se trouve dans l’écriture : ce dire, cette exaltation de la pensée, palpitation de l’infini qui transforme l’homme, lui donne des ailes. L’Aïeul que j’eus en songe célèbre cette délivrance. Un vieux paysan dans un grenier, hors du monde, devient le chroniqueur de sa propre vie. « Une vie purgée des heures insipides de ce qui traîne et qui est totalement et à jamais perdu. »
Seule petite ombre au tableau, les textes, regroupés sous le titre Le Monde des jardins sortent du cadre narratif de la nouvelle, évoquent des promenades onirico-fantastiques dans les jardins de Montpellier, ne sont pas toujours à la hauteur du talent de l’écrivain.
D’une écriture de facture classique, grave et sensuelle, Max Rouquette exhalte l’infinie solitude de l’homme. Dans l’amphithéâtre de la garrigue, il réinvente un monde régi par des forces dépassant l’entendement ou le commerce divin et souffle sur les braises qui ont donné naissance à la tragédie, dans une autre garrigue, là, à deux pas de l’Occitanie. À noter que le premier numéro de la revue Auteurs en scène est consacré au Rouquette-dramaturge qui depuis 1940, n’a jamais cessé d’écrire pour le théâtre. Il y a presque 90 ans naissait Max Rouquette, écrivain universel qu’il n’est que temps de découvrir.

Le Grand Théâtre de Dieu
Max Rouquette

Éditions de Paris
250 pages, 120 FF
Auteurs en scène N°1
Presses du Languedoc
144 pages, 120 FF

Max Rouquette : la garrigue pour cosmos Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°19 , mars 1997.
LMDA PDF n°19
4,00