C’est à un travail de recomposition de la mémoire que nous convie pour son quatrième ouvrage, Gilles Moraton, né en 1958, bibliothécaire à Béziers. La haute enfance, ses petits accidents-événements sont les déclencheurs de ce travail proche de celui du peintre, du photographe, du cinéaste : choix méticuleux des lumières, filtres, focales que l’on retrouve dans la formulation et l’éclatement formel, phrases courtes, descriptives, brefs paragraphes qui se carambolent, restent en suspension, proches du vers libre, du haïku : « par hasard le bel escalier, la rampe ouvragée, le montreur de homards, les costumes blancs, les grandes filles, par hasard d’ennui -et puis de là-haut on voit la mer- ; contre-plongée avant le bazar où », donnant l’impression de contempler un tableau pointilliste dont les petites touches se rassemblent peu à peu et laissent apparaître dix-neuf petits cailloux blancs, dix-neuf nouvelles où il est question des premiers émois, premiers pas de l’homme sur la lune, d’une chanson Black is black qui titille le lacrymal des filles, de l’arrivée des vendangeurs espagnols et du racisme inhérent, celle des vacanciers parigots, de la mort vert-de-gris… Le monde vu, revu, corrigé par un enfant de la campagne audoise, bercé de culture occitane et de modernité. Ici pas de repli nostalgique, plutôt la tentative alchimique de réactivation d’émois premiers, de couleurs, de visages, de lumières. Un ouvrage qui n’est pas sans rappeler par sa délicatesse, sa simplicité, sa complexité Mes Petites Amoureuses, film de Jean Eustache, tourné dans les mêmes lieux. « C’est un de ces moments rares pendant lesquels, sans faire d’histoires, le monde, à plat devant soi, se laisse entrevoir sans obstacles. »
Le Chemin de la plage
Gilles Moraton
Deyrolle, 105 pages, 89 FF
Domaine français Mes petites amoureuses
juillet 1997 | Le Matricule des Anges n°20
| par
Dominique Aussenac
Un livre
Mes petites amoureuses
Par
Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°20
, juillet 1997.