Roman policier, fable ou roman d’apprentissage ? Le nouveau livre d’Antonio Tabucchi navigue dans les eaux de ces différents genres. La découverte d’un cadavre sans tête déclenche l’enquête d’un journaliste de la presse à scandales, par ailleurs préoccupé de littérature. Enquête est un bien grand mot. Firmino, le jeune reporter, ne fait que suivre la voie toute fléchée qu’on lui désigne. Il progresse dans le mystère comme dans une motte de beurre fondu. De toute évidence, La Tête perdue de Damasceno Monteiro ne repose pas sur sa seule intrigue. Disons qu’Antonio Tabucchi profite de cette histoire, au départ réelle, pour flâner dans Porto. Disons aussi qu’il en profite pour dresser quelques portraits de marginaux (gitan, ancienne gloire du tout Porto, avocat-philosophe et désabusé). Notre héros, cependant, semble évoluer à la surface des choses, incapable qu’il est de les pénétrer. Si ses articles déclenchent des éditions spéciales de l’hebdomadaire pour lequel il travaille, il faut reconnaître qu’il ne le doit guère à ses qualités de journaliste. Toutes les révélations qu’il peut faire lui ont été apportées sur un plateau à travers des témoignages quasi-spontanés qui laissent l’impression que l’on se sert de lui. À quelles fins ? Sur le fil de cet horizon-là, le roman ne dit pas grand-chose et l’on se demande, in fine, ce que l’auteur a bien voulu nous signifier. On gardera le souvenir de Porto où les restaurants servent trop de tripes et celui d’un avocat obèse et si lettré que ses réquisitoires ressemblent à des cours d’histoire littéraire. On gardera aussi l’image d’un reportage télévisé dans lequel on voit un restaurant balnéaire aborder comme emblème un caméléon nommé Pessoa, « un homme aux mille masques ». En prenant les couleurs dun polar, le roman de Tabucchi joue-t-il aussi les caméléons ?
La Tête perdue de Damasceno Monteiro
Antonio Tabucchi
Traduit de l’italien par Bernard Comment
Christian Bourgois, 246 pages, 120 FF
Domaine étranger Tabucchi se perd à Rome
juillet 1997 | Le Matricule des Anges n°20
| par
Thierry Guichard
Un livre
Tabucchi se perd à Rome
Par
Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°20
, juillet 1997.