Quand un sculpteur écrit de la poésie, on peut redouter que cette autre activité ait des allures mineures par rapport à la première. Connu pour ses imposantes sculptures en bois, Gérard Voisin, né en 1934, écrit depuis toujours des poèmes. Le recueil De tes mains partit le vide incarne en une phrase ce lien entre écriture et matière. En peu de pages, tout lecteur attentif en sera convaincu : Gérard Voisin est bien sculpteur et poète. Son univers est vaste, fait des songes de l’enfance, des doutes de la vie adulte, autant de chansons proches parfois de Lorca ou de Schéhadé, d’une douceur de tissu qu’un seul mot peut déchirer. Ces poèmes sont comme les fruits recueillis d’une profonde solitude, les couleurs en sont toujours vives, voir sanguines : « Je m’imprègne de solitude,/ pour mieux fortifier ton chemin./ C’est sans doute la faim de ton être/ qui t’a mis au creux de ma main./ Il pleut du printemps,/ toi et moi dans les bras d’un livre./ Les pas qui viennent à mon logis/ sont peut-être des pas d’amitié./ Nous avons tant rêvé,/ pas assez fort sur cette terre./ L’amour éclaire nos erreurs. » Preuve nous en est donnée : si « l’amour éclaire nos erreurs », c’est bien que le monde en est fait… Les poèmes de Gérard Voisin, plus que la trace ou la perte de celui-ci, sont justement éclairés du dedans par cet amour, lanternes de bal posés au bord du chemin. L’esprit des chansons espagnoles règne en grande partie dans ce livre, avec plus d’élan et de souffle, dans la tradition de Cendrars et Apollinaire, quand l’auteur nous parle du Mexique ou de la Nouvelle Guinée : « Guinée pesante du chemin des cailloux/ c’est comme si ton bruit allait traverser ta hutte/ et tu pénètres par la forêt jusqu’à l’exaspération. » La poésie de Voisin devient alors « totémique », presque tribale et encore plus douloureuse. Quelques poèmes sur la confrontation de cet homme avec l’objet sculpté renforcent cette impression et contribuent à la diversité des émotions présentes dans ce recueil, conclu par trois poème
De tes mains partit le vide
Gérard Voisin
La Différence
110 pages, 89 FF
Poésie Pages sculptées
janvier 1998 | Le Matricule des Anges n°22
| par
Marc Blanchet
Un livre
Pages sculptées
Par
Marc Blanchet
Le Matricule des Anges n°22
, janvier 1998.