Tarumba contient l’idée de stupidité« , écrit le poète mexicain Jaime Sabines. Et d’ajouter que Lorca écrit dans l’une de ses pièces : »Ne fais pas le tarumba". En 1952, par ce simple mot, ce poète alors responsable d’un magasin de vêtements connaît une révélation : ce tarumba, c’est sûrement lui et le meilleur moyen de la connaître pour mieux le dépasser, c’est de s’en faire un double. Ainsi est né un des grands recueils de la poésie mexicaine de la seconde moitié du vingtième siècle. Octavio Paz dit de son auteur : « Son humour est une averse de gifles, son rire s’achève en un hurlement, sa colère est acérée et sa tendresse colérique. Il passe du jardin de l’enfance à la salle d’opération. Pour Sabines, tous les jours sont le premier et dernier jour du monde ».
Tarumba est en effet ce personnage complexe, tout heureux parfois de vivre et de trouver cette jouissance révélée dans les événements les plus divers, voir les plus insignifiants en apparence, puis soudain écœuré des mêmes choses, conscient d’être incapable de pratiquer le jeu de la vie, déçu, embêté, et ne s’en remettant plus qu’à une démystification puérile et ironique du monde.
S’il existe en nous une part immortelle, une part féminine, etc., ne négligeons pas cependant la part purement idiote. Sabines l’exprime à coups de chansons boiteuses, d’émerveillements en déroute : « Les gens et les choses qui entrent de jour dans la maison :/ herbes à la mauvaise odeur,/ chevaux inquiets,/ chansons en musique,/ mannequins pareils à des filles./ Nous y entrons aussi tous deux, Tarumba,/ avec la danse et le soleil./ Avec un agent d’assurance sur la vie/ et un poète./ Et un policier./ Nous sommes tous à vendre, Tarumba. »
Sans cesse appelé, rappelé comme sur le devant d’une scène, Tarumba accompagne et l’auteur et le lecteur devant la mascarade de la vie. Tarumba est ce double fraternel qui atteint l’universalité et finirait presque par nous rendre humbles à force de dérision : « Quelqu’un va me dire quelque chose/ qu’il sort de son sac à mensonges,/ et ça me rendra heureux et triste. »
Tarumba
Jaime Sabines
Traduit du mexicain par
Myriam Solal
92 pages, 79 FF
Poésie L’ami Tarumba
janvier 1998 | Le Matricule des Anges n°22
| par
Marc Blanchet
Un livre
L’ami Tarumba
Par
Marc Blanchet
Le Matricule des Anges n°22
, janvier 1998.