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Domaine français Sale histoire

juin 1998 | Le Matricule des Anges n°23 | par Haydée Sabéran

Des adolescentes racontent à leur père mort les souffrances endurées par sa faute. Un conte cruel du Maroc contemporain, un peu redondant.

Le Deuil des chiens

Elles ont entre onze et quinze ans, et elles ont quitté la maison à l’aube, chassées par le père. Il a tué la mère et maquillé le meurtre en mort naturelle. Le médecin a fermé les yeux, en échange de quelques liasses. Débarrassé des indésirables, le père peut désormais s’endormir en paix « dans la chair grasse de sa nouvelle épouse ».
Les quatre filles errantes se séparent au premier carrefour. C’est Chama, l’aînée, qui l’a décidé ainsi : « Nous avons quatre fois plus de chances de nous en sortir… » Avant de se séparer, elles jurent qu’elles reviendront voir le père, dix ans plus tard, pour lui raconter leur vie, et déverser leur haine. Dix ans plus tard, jour pour jour, le père meurt. Les trois filles présentes au rendez-vous arrivent dans une maison envahie par les récitants du Coran, et les lamentations feintes des pleureuses et de l’épouse.
Les trois filles passent la nuit en compagnie du cadavre. Pendant qu’il se décompose, elles lui racontent, par bribes, tour à tour, ce qu’elles ont traversé pendant ces dix années. Lorsque le jour se lève, tout n’est pas dit, mais le corps doit partir pour le cimetière, sans les femmes, selon la stricte tradition. Alors pour troubler à jamais le repos du père honni, les filles décident de l’accompagner, et souiller son enterrement de leur féminité.
Le roman d’Abdelhak Serhane est un conte. Une sorte de conte cruel et barbare dans le Maroc contemporain. Les Mille et une nuits version glauque, sans espoir. Serhane sait avec précision raconter la misère. Les femmes, violées dans les commissariats par des hommes qui évoquent en se rhabillant la vertu de leurs propres filles, un homme politique caressant un adolescent, un homme vendant un enfant : cela aurait suffi pour décrire un pays dont le touriste, appareil photo sur la bedaine, ne voit pas le malheur. Le Deuil des chiens aurait pu s’en tenir à cela. Mais à travers le discours de ses personnages, Abdelhak Serhane ne cesse de mettre les points sur les i d’un récit qui finit par en devenir redondant. Exemple : « Et les opposants ? demanda l’émir en caressant une jambe restée nue de l’adolescent. Chez nous, continua-t-il, c’est un vrai problème. Venez prendre des leçons ici ! Nous n’avons aucun problème de ce côté-là, Monsieur Ali Ben Dollar ! Comment ça ? interrogea l’émir, intrigué. Je sais que vous avez vos opposants et qu’ils sont très virulents… Tu crois au Père Noël ! (Le rire épais qui s’échappa de la bouche baveuse du ministre fit tressauter sa bedaine). Nos opposants, nous nous payons le luxe de les inventer (…). Les plus récalcitrants, nous essayons de les récupérer, et dans 99% des cas nous réussissons sans peine. Les postes de responsabilité ne manquent pas (…). C’est ça, le miracle marocain ! On peut faire voter les morts et les bébés. On peut dire une chose le matin et faire son contraire l’après-midi. On peut faire et défaire un parti politique. (…) On est capable, ici, de faire se lever le soleil à minuit !(…) Avec l’âge et l’expérience, je compris pourquoi rien ne changeait dans ce pays. Depuis toujours, la terre et les richesses de la terre, les hommes et leurs volontés appartenaient au même tas de fils de putes qui avait réussi à tirer parti de toutes les situations, sans scrupule et sans état d’âme… ». Un désir de dénoncer, certes courageux (le roman est commercialisé au Maroc), mais qui alourdit un récit au propos juste.

Le Deuil des chiens
Abdelhak Serhane

Seuil
266 pages, 120 FF

Sale histoire Par Haydée Sabéran
Le Matricule des Anges n°23 , juin 1998.
LMDA PDF n°23
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