C’est pendant l’été de 1968 que je tombai amoureux et que mon père se noya. » Le livre de Charles Simmons abandonne ses ressorts les plus clinquants dès la première ligne et la houle qui d’emblée assaille la plage du cap Bone (où se déroule tout le livre) ne laisse aucune des traces mystérieuses qui augurent des récits à suspense. Les Locataires de l’été est écrit en pleine lumière et nous apprenons dès les premières pages à connaître et le père et l’amour. S’il convient d’insister sur cet aspect narratif, c’est que l’ouvrage ne prétend guère qu’à raconter. Fort bien écrit et pensé, mais sans audace particulière, Les Locataires de l’été est a priori un roman de pure distraction. Pourtant, il crée au fil des pages une sorte de torsion secondaire qui arrache le roman à son ordinaire ; cette impression demeure en retrait du simple plaisir de lecture, comme lorsqu’on croit déceler dans une peinture qui nous attire, une perspective étrange. L’impression n’est pas comme souvent de l’ordre du malaise ; plutôt de l’enchantement. Car il est probable que les personnages de ce livre soient exemplaires.
L’action se déroule donc le temps d’un été au bord de la mer. Michael, un adolescent de 15 ans, passe ses vacances dans la maison familiale en compagnie de ses parents et de son chien (ah, les rituels amoureux des chiens, seul vrai défaut de ce livre !). Cette année le pavillon secondaire est loué à Mrs Mertz et à sa fille Zina, lumineuse, bonne nageuse et photographe, de cinq ans plus âgée que Michael. Elle possède ces talents qui font tant défaut à l’adolescence, celui de ne pas être exclusive sans pour autant se dérober, de conserver le sens de la légèreté tout en mesurant la gravité des instants. Chaque personnage va ainsi apprendre de l’autre ce que son âge ne lui permet pas d’atteindre. Ils tiennent tous un bout du fil de la vie, sondant ainsi leurs liens et leur distance, dans cet horizon dénudé où l’ombre des êtres prend toutes son ampleur. « L’eau, le ciel, le sable. Multipliez cela par le jour et la nuit et cela ne fait toujours que six choses à regarder. » Il est probable que les sentiments peuvent se combiner comme les éléments, fusionner sous le poids des doutes. Ce presque huis clos auquel vont se joindre parfois des personnages secondaires et essentiels, conduit chacun des héros à mieux percevoir de quoi sont vraiment composés les sentiments qu’il subit. Car le drame qui peu à peu se noue n’est pas imputable à l’aveuglement d’un ou des protagonistes, pas le fait d’une vieille haine, d’une possessivité et c’est en ce sens que ces personnages sont exemplaires. Ils sont profondément à leur place et si les événements parfois tournent mal, c’est bien le fait de la vie. La seule leçon du livre est celle-ci : le désir abandonne chaque être toujours du même côté de l’amour. Au fond, tout est prévisible. C’est sans doute cette certitude qui a conduit l’auteur à ne pas user du suspense ; à tant révéler dès la première phrase.
De Charles Simmons nous savons qu’il est américain. Qu’un de ses livres aujourd’hui épuisé a déjà été traduit en français chez Phébus, il y a une vingtaine d’années. Qu’il publie en moyenne un livre tous les huit ou dix ans depuis 1964.
Les Locataires d’été
Charles Simmons
Traduit de l’américain
par Eric Chédaille
Phébus
188 pages, 119 FF
Domaine étranger Les je de l’amour
juin 1998 | Le Matricule des Anges n°23
| par
Christophe Fourvel
Les émois amoureux d’un adolescent, l’été de ses 15 ans, ou l’art de faire un bon roman, sans grande audace, dans une marmite éculée.
Un livre
Les je de l’amour
Par
Christophe Fourvel
Le Matricule des Anges n°23
, juin 1998.