Peut-on souhaiter guide plus avisé que Robert Marteau pour visiter le Louvre ? L’homme est poète, prosateur, journalier, et ce qui ne gâte rien, il a du goût pour la peinture -il l’a d’ailleurs montré, tout d’abord avec Chagall, et plus récemment avec Cézanne auquel il a consacré son dernier essai (Le Message de Paul Cézanne, Champ Vallon, 1997).
Le titre le suggère, il ne s’agit que d’entrouvrir les portes du musée parisien, le donner à voir par le petit bout de la lorgnette, loin des monuments qui assurent sa notoriété (pas de détour obligé par la Joconde de Vinci -il est des trésors moins connus que Marteau entend nous présenter). C’est donc un Louvre intime qu’il nous dévoile, presque secret, celui d’un connaisseur, à la fois esthète et habitué, au cours d’une flânerie qui tient lieu de visite (l’itinéraire relevant du hasard et de l’intuition).
Ne nous y trompons pas : l’errance n’est qu’apparente. Marteau traque ce que les Grecs nommèrent l’alêthèia, ce petit coup de magie impondérable à côté duquel on peut passer, faute de s’être rendu disponible. Chaque toile décrite devient rencontre, de celles qui suspendent le pas du visiteur, le contraignent à la pause, le confrontent à ce qui « éclate à la vue ». Ce Louvre entrouvert révèle ainsi des peintres peu connus : un Simon Vouet, un Charles Mellin, ou encore ce Laurent de La Hire (1606-1656), chez qui « il y a ce rien de lumière ocre-rose-bleu entre deux avants bras », un rien qui interpelle le regard et suscite la parole (donc ici l’écriture). À l’heure où s’imposent la flânerie sur le web et les visites sur CD-Rom, Robert Marteau rappelle qu’il est encore possible d’arpenter le Louvre crayon en main -ce qui, au-delà du plaisir du texte, constitue un beau message d’espoir, sinon de résistance.
Le Louvre entrouvert
Robert Marteau
Champ Vallon
172 pages, 98 FF
Arts et lettres L’arpenteur du Louvre
juin 1998 | Le Matricule des Anges n°23
| par
Didier Garcia
Un livre
L’arpenteur du Louvre
Par
Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°23
, juin 1998.