A vouloir trop rapprocher les choses, on finit par se perdre dans l’éloignement de ne pouvoir les nommer, et Fabienne Courtade dans Ciel inversé, 1 trace ainsi le constat : « perte absolue de la parole/ mais tenue à elle/ par fulgurations ». Si la difficulté de représenter le réel se pose à l’auteur, celle-ci s’exprime dans une dualité entre le ciel et l’humain : « ciel/ d’après l’épaisseur/ lieu/ d’avant la mémoire/ avant -ce qui tremble/ ce qui subsiste au-delà ». Le questionnement sur l’avant et l’après de l’existence est clairement posé, Fabienne Courtade ne prétend pas vouloir y répondre mais simplement apporter des pistes de réflexions. Les mots sont éparpillés sur la page, le vers très court, souvent réduit à un seul mot, marque le choix d’aller à l’essentiel. Seule la présence de la nuit sert de passerelle entre les deux mondes, du corps et du ciel. Se dessine alors des influences, ou plutôt des hommages à Charles Juliet ou bien encore à Bernard Noël, que l’auteur fait en parlant du corps humain et du squelette qui le compose : « sphère/ horizon autour duquel/ l’œil du monde/ s’aveugle/ ossements/ bornes/ calcinations ». Vers le milieu du recueil une citation de Van Gogh, « Cependant, encore une fois, je me laisse aller à saisir des étoiles trop grandes et j’en ai assez… », sert au poète pour faire rebondir la lecture sur une nouvelle thématique, celle du renoncement. L’homme a-t-il une chance, prisonnier entre la nuit noire et les paysages de neige ? L’aboutissement c’est bien sûr la mort. Fabienne Courtade a su préserver la beauté du langage par le choix d’un style épuré associé à une réflexion pertinente, qui font la force de ce livre, et qui nous donne l’envie de croire encore à la vie.
Ciel inversé, 1
Fabienne Courtade
Cadex
83 pages, 85 FF
Poésie La parole retrouvée
mai 1999 | Le Matricule des Anges n°26
| par
Stéphane Branger
Un livre
La parole retrouvée
Par
Stéphane Branger
Le Matricule des Anges n°26
, mai 1999.