On pénètre rapidement dans le premier roman de Christophe Spielberger en se disant qu’on tient peut-être l’un des univers originaux de la rentrée littéraire. On se réjouit donc à suivre les pensées d’une héroïne singulière, Cendre, « chauve comme une planète », qui fuit à trente ans une famille sordide et complexe, son père Marcel, sa mère Renée et son cousin Franz qui est aussi son mari : « Ainsi filait la vie. Marcel était amoureux de Franz qui s’en foutait. Renée ne vieillissait plus et Franz aimait Cendre. Elle était son petit coussin avec un goût d’épices, une bouche qui sentait l’oignon, ses fesses de betteraves et un sexe toujours glabre comme il aimait. Bonjour c’est Franz, et Marcel bandait déjà. Cendre, dis bonjour à ton cousin. Elle souriait. »
Construit sur deux plans temporels, Touché ! nous permet d’accompagner Cendre sur la route et d’arpenter son passé à reculons, ce qui rend ses tentatives de progression vaines, vu la teneur de son enfance. La structure est originale, la langue également, qui charrie de nombreux néologismes, des mots-valises avec bonheur le plus souvent. Cendre possède par exemple un appareil appelé « tactiloscope » qui lui permet d’emmagasiner, de mêler et de revivre les expériences sensuelles du passé.
Touché ! n’est pas constamment maîtrisé pourtant et se perd parfois dans la langue. La singularité devient bavarde et laisse place alors à des phrases assez irritantes : « Et aussi un nain formaticien, un gars pas net qui a l’internet » ou « À la ville tout est limite, à la ville tout élimine. » Quand la formulation gagne sur le sens, le roman devient superficiel. Mais l’univers déployé ici, souvent onirique, est inventif et ne peut laisser indifférent.
Touché !
Christophe Spielberger
Éditions du Seuil
176 pages, 85 FF
Premiers romans Longue route
octobre 1999 | Le Matricule des Anges n°28
| par
Benoît Broyart
Un livre
Longue route
Par
Benoît Broyart
Le Matricule des Anges n°28
, octobre 1999.