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Domaine étranger La part manquante

avril 2001 | Le Matricule des Anges n°34 | par Anne Riera

La géographie et l’histoire se disputent le dernier rejeton d’une famille de victimes et de bourreaux. Portrait d’un homme éparpillé, allemand, turc, juif.

D’après mon passeport, j’étais allemand, d’accord. Mais cela ne faisait que compliquer un peu plus la situation.«  Le narrateur est né à Munich d’une mère juive allemande et d’un père turc.  »Trois parties qui se rebutent et me bloquent. Deux d’entre elles foncent l’une sur l’autre, dès qu’elles croient pouvoir ignorer la troisième. Chacun connaît la difficulté des ménages à trois.« 
Sous l’ironie, l’écrivain et poète Zafer Senocak dissimule un double suspendu dans le vide, un narrateur à la géographie précaire qui vient d’hériter des carnets de son grand-père paternel. Que cache-t-il sous ses jeux d’écriture, tour à tour arabes et cyrilliques. Qui est cet homme qui a fait fortune sous Talat Pacha et sans doute activement collaboré au génocide arménien ? Le narrateur décide de se colleter avec ses racines.
 »Je suis le petit-fils de victimes et de bourreaux. Je ne crois pas à l’hérédité de la faute. Pas plus que la faute ne se transmet des bourreaux aux victimes. La faute s’enfonce dans le sol du lieu où elle a été commise. Elle s’enracine en profondeur sous les pieds du bourreau. De toutes mes forces, je déchirerai la terre qu’a foulée mon grand-père (…). Coûte que coûte, je veux trouver cette minuscule parcelle de terre qui ne figure sur aucun atlas.«  Le chemin est long à parcourir. Le narrateur marche sur ses pas, lentement, avance, recule, avance encore, s’arrête, se recroqueville au bord du précipice du passé.  »Ce trou sombre dont je ne peux évaluer la largeur ni la profondeur et où j’entends respirer des gens que je n’arrive pas à discerner.«  La langue est sobre, exigeante, transparente. Il faut en finir avec les contorsions et les masques. Il a trop longtemps refusé de se sentir concerné. Par un pays, par une histoire, celle avec un grand H, qui défie l’homme et le fait ployer sous la faute,  »die Schuld« , ce mot allemand désormais synonyme de génocide. Car refuser d’être enfermé dans une communauté de destin, n’est-ce pas, encore, vouloir l’impossible, rester irresponsable et innocent.  »À qui viendrait-il l’idée d’attendre quelque chose d’une personne comme moi ? Je ne dois d’excuses à personne. Je suis arrivé après coup. Je ne suis pas un tout. Il me manque une moitié pour que l’on puisse me prendre pour un tout. Je remplace cette moitié manquante par une identité qui tient de la prothèse, un je-ne-sais-quoi qu’on m’aurait prêté et que je pourrais changer en fonction du temps et de l’espace.« 
Rester mouvant, à l’image de la nouvelle Allemagne des années 1990, où l’inconnu n’est plus circonscrit, où les Allemands eux-mêmes se vivent comme des étrangers.  »Sans mur, on ne se sentait plus protégé. L’identité est devenue un « ersatz » de sécurité.«  »Impossible d’empêcher le passé de devenir présent. Du coup, je n’étais plus étranger à Berlin. Non seulement j’étais ici chez moi, mais moi aussi, maintenant, j’étais comme les autres.«  Et Zafer Senocak de réussir en toile de fond obligée de son roman, le portrait d’une ville fissurée qui attend depuis la réunification qu’un écrivain lui tende un miroir. D’un pays lui aussi en quête d’identité, qui  »teste sur les Turcs les limites de la germanitude« .
La langue est  »le seul domicile où on puisse s’installer". Mais cela suffit-il encore à lui offrir le refuge d’une identité de substitution ? Parenté dangereuse n’est pas le roman du narrateur-écrivain. Il est sa gestation, l’enquête préliminaire à l’écriture. Une quête de sa propre identité dans les territoires en jachère de la mémoire où s’ouvre, parfois, un chemin sinueux, encombré de ronces et de chimères.

Parenté dangereuse
Zafer Senocak
Traduit de l’allemand
par Colette Strauss-Hiva
L’Esprit des péninsules
158 pages, 110 FF

La part manquante Par Anne Riera
Le Matricule des Anges n°34 , avril 2001.
LMDA PDF n°34
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