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Domaine étranger Cuba à l’imparfait

août 2001 | Le Matricule des Anges n°35 | par Anne Riera

Le premier volume des aventures policières de Mario Conde est enfin traduit. Une tétralogie cubaine aussi hérissée que la mémoire qu’elle convoque.

À La Havane, on arrête parfois Leonardo Padura dans la rue pour lui demander des nouvelles de Mario Conde. Ce lieutenant de police atypique est le personnage principal d’une tétralogie que les éditions Métailié ont entrepris de traduire dans le désordre. Ainsi, Passé parfait, le premier volume de la série, paraît-il sans en souffrir après Electre à La Havane et L’Automne à Cuba.
À chacun des quatre volumes correspond une saison, ici « le languissant hiver tropical » et son crachin. La Havane se réveille, en ce premier jour de janvier 1989, sous une « apathie grise », aussi morose que Mario Conde, 34 ans et deux divorces, tenaillé par « un dégoût et une impuissance infinis ». Cet écrivain raté, mélancolique et hâbleur, promène de livre en livre une gueule de bois chronique et presque salvatrice, quand « dix années passées à se vautrer dans les cloaques de la société ont fini par conditionner ses réactions et ses perspectives ». La nouvelle affaire sur laquelle on l’affecte aggrave encore sa mauvaise humeur. Rafael Morin, un ancien compagnon de lycée devenu directeur d’une grande entreprise d’État, a disparu. Un « ange impeccable et parfait » qui a su grimper marche après marche la longue échelle des compromissions qui mène au pouvoir et que Le Conde déteste en secret.
Leonardo Padura observe les errements cafardeux de son personnage dans le curriculum vitae trop policé de Rafael Morin. Mais le vrai sujet du livre n’est pas là. Il se dissimule dans les monologues du Conde. Son personnage s’immisce dans le fil de la narration, bouscule la chronologie pour plonger en brasse coulée dans le fleuve bourbeux de sa mémoire. Le Conde, « putain d’incorrigible brasseur de souvenirs », ressasse avec délice et perversité sa lumineuse jeunesse et son Passé parfait. Parties de base-ball et combats de coqs désormais interdits, chaussettes roulées sur les chevilles des filles, découverte des Beatles, premières désillusions politiques et amoureuses. Une innocence irrémédiablement saccagée, toute entière incarnée par le personnage du Flaco sur son fauteuil roulant, la colonne vertébrale brisée par une balle au premier jour d’une guerre absurde, quelque part en Angola. Leonardo Padura brosse le portrait de la génération des années 1970 qui n’a connu de la révolution qu’un corps gangrené et malade. Une génération cachée, « sans visage, sans lieu et sans couille », tétanisée comme son personnage par la lucidité, restée « à mi-chemin de tout« . »On ignorait où on se situait, ce qu’on voulait, et c’était pour ça qu’on préférait se planquer. » Éreinté par la nostalgie, Le Conde, à mi-chemin entre Philip Marlowe et Pepe Carvalho, se cramponne désespérément à ce qu’il n’oserait pas lui-même appeler une éthique, une fidélité aveugle à ses amis, le mépris d’une corruption qui touche jusqu’à ceux-là même qui devaient montrer l’exemple.
Censuré à Cuba, Passé parfait est le seul volume de la tétralogie a avoir d’abord été publié au Mexique. Car si l’ancien journaliste Leonardo Padura n’est pas un dissident, si ses livres ne sont jamais une remise en cause explicite du régime, il a su faire tomber le masque d’une société en quête d’elle-même. À l’image de ce flic empêtré dans son histoire qui se débat sous l’oeil goguenard d’Hemingway, qui cherche à « se dénuder de son existence manquée pour trouver le point précis où il pourrait tout recommencer ».

Passé parfait
Leonardo Padura
Traduit de l’espagnol (Cuba)
par Caroline Lepage
Métailié
216 pages, 115 FF (17,53 o)

Cuba à l’imparfait Par Anne Riera
Le Matricule des Anges n°35 , août 2001.
LMDA PDF n°35
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