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Domaine français L’électrochoc de l’art

décembre 2001 | Le Matricule des Anges n°37 | par Éric Dussert

Loin des rives innocentes de la littérature, avec une grande intelligence de sentiment et un brin d’insolence, Émile Brami offre une visite révoltante au pays de l’art brut.

À l’occasion de la rétrospective Jean Dubuffet à Beaubourg, on pouvait s’attendre à ce que déferlent les ouvrages sur Dubuffet, le Musée de l’art brut à Lausanne, ses artistes, l’art et la folie, la psychiatrie et la création, etc. Le déferlement n’eut pas lieu. Hormis cinq ou six gros livres illustrés de la Réunion des musées nationaux, rien. Dans le domaine de la fiction, un roman signé Émile Brami s’impose, seul, sur le sujet. Les auteurs en quête de sujets piquants auraient pu se tenir informés : il y avait dans les asiles de quoi nourrir une foule de romans sur l’art déglingué. Les recherches documentaires n’auraient pas été trop longues d’ailleurs : un éditeur comme La Chambre d’échos, les revues Plein chant d’Edmond Thomas ou Gazogène de Jean-François Maurice offrent avec soin des corpus très riches. Mais ils ne font pas, eux, le commerce de l’art des simples, des fous et des illuminés.
Avec Art brut, Émile Brami échappe à la pose branchée comme il évitait l’an dernier le piège de la contrition éplorée. Son premier roman, Histoire de la poupée (cf. Lmda No32), abordait le thème de la déportation et des camps en mettant en exergue la phrase faussement cynique du dessinateur de la BD Maus, Art Spiegelmann : « There is no business like Shoah business ». Brami nous dit aujourd’hui : il n’y a pas de business comme celui de l’art brut. Il le dit dans un livre rédigé à l’encre sombre d’une plume stylée et digne qui retrace à la première personne la vie du père Mimile, faux fou ou vrai artiste, monté au pinacle par un marchand vulgaire à destination d’acheteurs crédules. Américains, cela va de soi.
Si Histoire de la poupée n’a pas connu le succès de presse qu’il méritait, on ne voit pas pourquoi, cette fois, les bonnes âmes de la chronique littéraire n’iraient pas mettre le nez dans ce roman-ci moins provocant peut-être, mais tout aussi insolent. Les faits que décrit Brami ont un certain rapport avec les camps de la mort puisqu’ils prennent naissance dans les asiles psychiatriques français durant la Seconde Guerre mondiale. Le père Mimile est entré dans une institution psychiatrique de l’Aveyron pour s’être auto-mutilé. D’un coup de hache, il s’est détaché la main droite alors qu’il sombrait dans un abîme dont les deux parois étaient son désir d’aimer sans retenue sa femme et la nécessité de persévérer dans son art. Après une période de stérilité créative complète, son psychiatre sentant la bonne affaire décide de le rendre à la peinture. De force s’il le faut. Le docteur Garrigou que sa victime nomme « mon diable Garrigou », lui fait le coup du « sismothère de Lapipe et Rondepierre », ce qui se traduit communément par « électrochocs ». Obsédé par la douleur de sa main fantôme, l’artiste subit la torture de séances épuisantes et décérébrantes. On sait ce qu’Artaud pensait des bons traitements du docteur Gaston Ferdière, lequel ne parvint jamais à justifier son utilisation d’une technique barbare dont on ne connaissait ni les effets, ni l’éventuelle efficacité. Pour le père Mimile, c’est le voyage au bout de l’enfer qui trouve son terme lorsque, aux plus terribles jours de la guerre, les hôpitaux d’aliénés ne sont plus approvisionnés. Les malades sont maltraités par des gardes rustres, sous-alimentés, abandonnés. Ils se cannibalisent dans une scène digne du Chronos dévorant ses enfants de Goya.
« Ceci n’est pas une oeuvre d’art, mais un sédiment de douleur pur. » En reproduisant le constat de l’artiste « brut » Vojislav Jakic dont les oeuvres ornent les collections de Lausanne, Émile Brami souligne le caractère spécifiquement intime de ces oeuvres tellement étrangères au monde du produit consommable. D’ailleurs l’exposition rétrospective consacrée par le Musée de l’art brut au père Mimile tourne à la foire aux bestiaux. C’est un véritable spectacle car Brami excelle dans le portrait sur pied. On y vante pour faire monter les cotes l’aptitude au malheur de pauvres bougres talentueux mais tout à fait inconscients.
Reste que la camisole chimique, annihilant toute volonté, remédie déjà à cette spéculation innommable.

Art brut
Émile Brami
Écriture
192 pages, 14,48 (95 FF)

L’électrochoc de l’art Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°37 , décembre 2001.
LMDA PDF n°37
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