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Histoire littéraire L’écriture impérieuse

décembre 2001 | Le Matricule des Anges n°37 | par Benoît Broyart

Deux éléments satellites de l’oeuvre de Louis Calaferte sont livrés simultanément.De nouvelles portes pour envisager les pulsations d’une voix exigeante.

Correspondance 1969-1994

Écriture (carnets IX 1985-1986)

On pensait, en ouvrant la correspondance qu’entretinrent Louis Calaferte et son éditeur Georges Piroué pendant près de vingt-cinq ans, arpenter un territoire périphérique de l’oeuvre. On se trompait, ces 460 lettres échangées, si l’on excepte quelques missives moins captivantes, centrées sur le quotidien de l’écrivain et de son éditeur (écrivain lui aussi), constituent bien une plongée dans le mode de composition éreintant de Louis Calaferte, qui consacra sa vie entière à l’écriture, sans autre préoccupation avec la peinture. Après la sortie de ses premiers livres, l’écrivain décide de quitter la capitale pour Lyon, de fuir la sphère parisienne mondaine pour être certain de pouvoir créer en toute liberté. Souvent, la détresse matérielle apparaît, dans les lettres de Calaferte, comme une sorte d’injuste punition : « Je vous l’ai dit, je crois, déjà, je vais vite en être réduit à gagner ma pitance en écrivant des romans policiers !!! Ce sera un comble ! Mais alors me donnera-t-on peut-être de quoi manger sans trembler pour le lendemain » (5/08/1973).
Le mode de création de Calaferte comporte une dimension physique indéniable, que la correspondance montre assez précisément. Ses lettres nous révèlent en effet un homme qui travaille les mots avec la puissance d’un tailleur de pierre. Il se désespère parfois d’une santé capricieuse et se bat très souvent contre la maladie : « Quelque chose d’humiliant à être borné par le physique » (01/12/1973).
L’échange entre Calaferte et Piroué s’étoffe année après année et se transforme peu à peu en amitié. Si les deux écrivains s’entendent à merveille, c’est que leur préoccupation est la même, la littérature, sa supériorité, sa noblesse en quelque sorte, la haute opinion qu’ils en ont et qui les fait vomir, dès 1973, certaines pratiques éditoriales, avec des phrases qui restent aujourd’hui très actuelles. Piroué écrit en novembre de cette année à Calaferte pour lui confier ses inquiétudes face aux agissements des éditions Denoël (éditeur de Calaferte à l’époque et employeur de Piroué) : « Un avenir sombre tant je me sens, je nous sens de plus en plus étrangers là où nous sommes, menacés d’expulsion, comme de gênants corps étrangers, ou d’étouffement si nous commettons l’imprudence de mettre le doigt dans la machine à saucissonner. En ces temps prolifiques d’automne, la littérature ressemble à un chaudron de gras-double. »
Mais ce qui reste le plus poignant, peut-être, dans ces pages, ce sont les éclairages que Louis Calaferte apporte sur sa démarche d’écriture. Il répond à son ami Piroué, qui s’étonne par exemple de voir surgir des textes aussi novateurs et singuliers que Promenade dans un parc (Denoël, 1987) : « tout à coup, sans que je puisse repérer une raison logique à cet emportement, à ce sentiment de nécessité, je suis porté à écrire, pour ainsi dire au fil de la plume, ce qui s’est produit une nouvelle fois avec ce livre ; une sorte d’inexplicable exigence qui me tient devant le papier pendant un certain nombre de jours dans un état de crise du type enfouissement dans un état d’être qui aurait été le mien jadis, je ne sais quand -et ailleurs, dans des lieux et des villes que je ne connais naturellement pas, mais dans lesquels je circule comme si j’en avais quelque part en moi la mémoire, avec des familiers qui m’apparaissent en flou, mais ont une vraie consistance, une vraie réalité par rapport à moi, à mon infraconscience pendant tout le temps où j’écris. »
Le neuvième tome des carnets de Louis Calaferte, intitulé sobrement Écriture, qui couvre les années 1985-1986, appartient à une veine voisine. Il est l’un des éléments d’une vaste entreprise entamée par l’auteur dès 1956. Le terme de carnets est très approprié ici, car le lecteur qui chercherait le journal intime de Calaferte, le trouverait plus certainement inscrit en creux dans les récits d’un écrivain qui ne croyait qu’en l’introspection. Des carnets, donc, dans le sens où l’entend le peintre. Ils constituent un texte paradoxal, à la fois spontané et très construit. Mais s’ils sont le résultat d’un travail de reprise réalisé a posteriori par Calaferte, ils demeurent davantage composites que composés et c’est ce qui fait leur richesse. Notations courtes sur la création : « Cette obsession du travail, qui ne fait avec l’âge que se développer, occupe le plus clair de ma pensée, oblitérant le reste de ma vie, qui ne me semble avoir pour but que l’oeuvre accomplie. », rêves proches de certains textes courts de l’écrivain pour la capacité qu’ils ont à se mouvoir dans les couches de « l’infraconscience » ou notes sur les travaux en cours, Calaferte est alors en train de rédiger un de ses livres les plus intimes et les plus troublants, L’Incarnation (Denoël, 1987) : « Beaucoup travaillé hier et aujourd’hui. Peut-être ai-je, une fois de plus, réussi à franchir la frontière, celle des profondeurs. Après quelques heures de ce travail de creusement, j’éprouve physiquement le besoin de m’aérer, de faire en sorte d’oublier ce que je viens d’écrire, de remonter à la surface. » L’écrivain y consigne également des éléments de sa vie quotidienne.
Les carnets de Calaferte partent dans toutes les directions et témoignent, une fois de plus, de la diversité et de la cohérence des formes adoptées par l’écrivain pour s’exprimer. « Que je dise, une fois pour toutes, qu’entre mes livres aux thèmes obsessionnels, les notes de ces carnets, mes poèmes et mes travaux de théâtre, il n’y a hiatus d’aucune sorte : je suis l’homme de toutes ces pressions successives -dans ma vie comme devant le papier. » Ils apparaissent également comme un baume dans les moments où l’écrivain n’est pas en phase de création. Ils lui permettent de ne jamais cesser d’écrire, ce qui reviendrait pour lui à arrêter de respirer.

Louis Calaferte
Correspondance
Calaferte/Piroué (1969-1993)

Éditions Hesse
484 pages, 25,76 (169 FF)
Écriture. Carnets IX (1986-1986)
L’Arpenteur
330 pages, 21,50 (141,03 FF)

L’écriture impérieuse Par Benoît Broyart
Le Matricule des Anges n°37 , décembre 2001.
LMDA PDF n°37
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