Dans les années cinquante, Arthur Machin, un ouvrier d’une ville du nord de l’Angleterre, rêve d’une autre vie. Sa force naturelle, sa détermination, le poussent à intégrer l’équipe de rugby locale qui pratique le jeu à treize alors professionnel. Il va à la rencontre d’une autre vie : une élévation personnelle entre les terrains boueux où claquent les crampons et les salons bourgeois des huiles locales qui gravitent autour du club ; le chaos sombre et lumineux d’un homme qui évolue entre des sphères neuves et grisantes et le rétroviseur d’un passé qui le réfléchit tantôt comme un héros, tantôt comme un renégat.
Ma vie sportive est le fort roman enfin traduit d’un écrivain, David Storey, qui a reçu le Booker Prize en 1976 et connu les adaptations au cinéma. À la lecture, on pense parfois que ce roman aux teintes sociales, très dialogué, aurait ravi Ken Loach. On sait qu’il enchantera aussi ceux que l’ovale fait vibrer, jusque dans ces rebonds inattendus.
S’il est évidemment un roman de classe, s’il est un roman du rugby sans que celui-ci en soit son centre, Ma vie sportive, malgré quelques longueurs, est l’éclatante réussite d’un romancier dont le premier des talents est de donner une épaisseur psychologique vive à ses personnages. L’éducation d’Arthur Machin passe, à ce titre, par une troublante relation sentimentale avec sa logeuse, Madame Hammond, veuve d’un ouvrier de la même usine que lui. De la main à la main aux mêlées et démêlés de leur histoire personnelle, cette relation est le vrai coeur du texte : une profonde mise en situation du difficile regard que l’on porte sur soi, du lourd regard des autres et du poids des règles d’une société qui siffle durement certains hors-jeu. Poignant.
Ma vie sportive
David Storey
Traduit de l’anglais par Camille Domecq
La Fosse aux ours
320 pages, 21,50 euros
Domaine étranger Au cœur de la mêlée
juin 2002 | Le Matricule des Anges n°39
| par
Pierre Hild
Un livre
Au cœur de la mêlée
Par
Pierre Hild
Le Matricule des Anges n°39
, juin 2002.