Richard Rognet s’inscrit dans le prolongement. Tout ce qui fait oeuvre, tragique et inquiétude tracent le chemin de sa parole. Un mot fuyant, une recherche portée à sa plus haute tension s’efforcent de nous entraîner au coeur des choses. Juste le temps de s’effacer marque cette volonté et s’ouvre ainsi : « La première fois/ ne fut pas la bonne,/ ni la deuxième, et la troisième/ fut l’abandon au bord de la route ». Cet exercice de la répétition, que l’on porte en soi, comme une interrogation : « chaque chose m’interroge/ sans me réconforter ». À la lecture on imagine aisément l’auteur arrêtant son regard sur le paysage qui l’entoure, ici les Vosges où il est né en 1942 et où il a passé l’essentiel de sa vie, avec une prédominance de l’hiver. Richard Rognet se voudrait sans doute retiré du monde, l’ailleurs n’est pas très loin : « une île pourtant m’obsède/ un asile, une vraie demeure/ où j’aimerais tant ressembler/ à celui qui m’attend, mot à mot ». Mais les blessures de la vie le rattrapent comme celles des femmes aimées. L’image d’un homme qui souffre s’impose, les sentiments deviennent un mélange de mélancolie, de tristesse et de regrets. Il entretient un dialogue avec lui-même au fil des pages, comme si parfois il était hanté par une présence, peut-être celle du frère à qui est dédié ce recueil, et que l’on retrouve plus explicitement cité dans le suivant Ni toi ni personne. Un changement de ton s’opère, celui-ci devient plus fluide et plus lyrique. Les souvenirs d’enfance resurgissent. Les deux recueils se répondent. Il y a l’image très forte d’être au seuil d’une porte que l’on n’ose pas franchir, est-ce le passage de la vie à la mort ? Apparaît alors pour l’auteur, un dédoubl
Juste le temps de s’effacer
suivi de Ni toi ni personne
Richard Rognet
Le Cherche midi
154 pages, 14,50 euros
* Du même auteur est publié à La Différence
Belles, en moi, belle (91 pages, 13 €)
Poésie Croisement prolongé
juin 2002 | Le Matricule des Anges n°39
| par
Stéphane Branger
Un livre
Croisement prolongé
Par
Stéphane Branger
Le Matricule des Anges n°39
, juin 2002.