Magistrale expertise d’une légende, la biographie des Rolling Stones de François Bon, qui s’accorde à l’improvisation autobiographique, est le flamboyant chorus d’une génération appelée à l’audace.
La préjudiciable manie de corner les pages décisives transforme l’expérience de la lecture en exercice d’origami. Elle affecte le livre qui se déguise en éventail. Dévorées, cornées, lues et relues, les 670 pages de Rolling Stones une biographie se froissent rapidement entre des mains qui s’encombrent de leur soufflet d’accordéon. C’est dire la place d’honneur qu’il convient de réserver à cet ouvrage de 350 000 mots dans nos bibliothèques. Hypnotique comme une percussion de Charlie Watts, en appui sur le métronome des riffs des guitaristes Keith Richards et Ron Wood, mélodique comme la basse de Bill Wyman, ce bouquin-là est un morceau de bravoure. « Rien dans ce livre n’a été comme il était prévu », écrit François Bon à la fin de sa partition et de ses sept années d’enquête. Pour cette famille qui partage avec l’écrivain une vénération pour les accords raclés sur une Gibson Les Paul accordée en open de sol, pour le gratteux vétilleux qui se souvient de ses tentatives pour ébruiter dans le garage paternel, et dans une version délabrée, le culte de Jumpin’Jack Flash ou de Sympathy For The Devil, Rolling Stones une biographie est de ces livres qui valident un univers.
Il y a plus de mille romans -donc le nôtre, forcément- dans cette légende des Stones racontée depuis la rencontre entre Keith Richards et Mick Jagger, en juin 1960 à la gare de Dartford, près de Londres. Et plus de vérités sur le séisme des années 1960 que dans mille essais sur les sulfureuses sixties : une époque qui se déchire entre l’interrogation faussement moralisatrice du magazine Melody Maker : « Laisseriez-vous votre fille se marier avec un Rolling Stones ? » et la provocation de Mick Jagger : « Rolling Stones piss everywhere, man ! » Il y a plus de mille personnages dans ce récital de papier, électrique et érotique : le guitariste Brian Jones, surnommé « Mister Shampoo » ; Bobby Keyes, le saxophoniste ; Ian Stewart, le pianiste évincé de la gloire devenu le chauffeur camionneur et le porteur d’amplis… Il y a plus de mille improvisations et détours, par les séductions de Marianne Faithfull et d’Anita Pallenberg, par le doigté du bluesman Robert Johnson et les canevas rythmiques de Chuck Berry. On y décrypte la tablature des procès et des incarcérations, des trahisons et des amitiés, et toute une gamme d’anecdotes : les « quarante-six œufs au plat » de Bill Wyman, la « coupe de cheveux gratuite » offerte aux gringalets ébouriffés par le président de la Fédération nationale des coiffeurs de Grande-Bretagne, la guitare volée à Keith Richards pour Jimi Hendrix…
Il y a surtout, dans ce livre, plus de littérature que ne le supposait peut-être François Bon lorsque, peu après l’entame de son solo, il confia de Stu Sutcliffe, l’éphémère bassiste des Beatles : « Sutcliffe...
Événement & Grand Fonds Satisfaction littéraire
septembre 2002 | Le Matricule des Anges n°40
| par
Pascal Paillardet
Un livre