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Jeunesse L’humour, pas la guerre

novembre 2002 | Le Matricule des Anges n°41 | par Thierry Guichard

Tomi Ungerer avait 8 ans lorsque la Seconde Guerre mondiale a éclaté. Et déjà un vrai talent pour croquer les travers de ses contemporains. L’enfance d’un maître du dessin, dans une Alsace occupée….

À la guerre comme à la guerre

Publié une première fois en 1991 par les éditions de la Nuée bleue à Strasbourg, ce livre de souvenirs du grand dessinateur et illustrateur Tomi Ungerer évoque la Seconde Guerre mondiale vue à hauteur d’enfant. Orphelin de père depuis l’âge de 3 ans, le gamin né en 1931, dernier rejeton d’une famille nombreuse va traverser ses années de guerre les crayons à la main. Le livre, du coup, mêle au texte une multitude d’illustrations qui font regretter le format de poche de l’ouvrage réédité bizarrement en collection jeunesse.
Lauréat en 1998 du prix Hans Christian Andersen, le « Nobel de la littérature jeunesse », Tomi Ungerer est l’auteur caustique et génial, poétique et drôle, de plus de 70 albums pour les enfants (recommandés aux adultes aussi) et d’environ quarante mille dessins, dont certains ont servi joyeusement d’affiches publicitaires. Parfois licencieux, souvent irrévérencieux, l’illustrateur fait toujours preuve d’un humanisme souriant, d’une générosité engagée au service de l’écologie, la liberté, la paix et, comme on le voit ici, au service de son amour pour sa région. Dans À la guerre comme à la guerre, l’Alsacien revient donc sur les années d’occupation et de libération avec un ton bon enfant qui désamorce le pathos de l’histoire. Car ce n’est pas simple d’être un gamin d’Alsace en 40, d’avoir une partie de sa famille née allemande, une autre française, de devoir changer de prénom pour le germaniser sous l’annexion, de voir ses proches enrôlés dans l’armée nazie, de devoir brûler les livres écrits en français en 41 puis, en 44 les livres écrits en allemand, et à la libération de devoir rejeter la langue alsacienne. Puisque « l’Alsace était comme des toilettes toujours occupées ».
On pourrait retenir quelques anecdotes, la manière avec laquelle sa mère savait échapper aux tracas, sa première confrontation avec la mort, ses espiègleries qui agaçaient une grand-mère acariâtre. On pourrait s’arrêter sur la certitude, dessin à l’appui, que tout le monde connaissait alors les camps de concentration ou sur l’horreur de découvrir que les libérateurs américains ne se comportèrent pas mieux que les envahisseurs allemands. Mais, l’écrivain-illustrateur, résolument, refuse de prendre les habits de l’historien, préférant minimiser l’importance de ses propres souvenirs.
Ce retrait, l’auteur l’explique en une anecdote rapportée mine de rien : à New York où il vécut, il eut un ami juif né là même où sa mère trouva la mort : à Auschwitz. Pour Ungerer, devant la tragédie des camps, exposer sa propre histoire semble déplacé.
On lira et regardera donc ce livre à la lumière de ce qu’on connaît de l’œuvre de l’artiste. Dépistant ici la naissance de son trait dans ceux du caricaturiste « haineux et chauviniste » Hansi, retrouvant dans un dessin de son père le talent qui l’habite. On voit également le tempérament frondeur et sensible se former dans les rapports que le garçon entretient avec les autorités, religieuses, politiques ou familiales. Écoutant les messages des forces françaises à Londres l’enfant s’éveille aux beautés du surréalisme : on en trouvera la trace dans beaucoup de ses affiches. Cet éveil au monde se fait dans des langues hésitantes, interdites puis obligatoires, obligatoires puis interdites, le français, l’alsacien, l’allemand et l’anglais. Et dans une langue universelle que Tomi Ungerer manie parfaitement : le dessin. Il n’y a qu’à voir les pages de son journal intime d’alors pour s’en convaincre : l’art graphique, -héritage génétique paternel ?- s’offre comme une autre respiration, se donne comme une autre façon d’habiter le monde. C’est de la vie, bouffonne, cruelle, drôle et tendre qui naît sous l’habileté de l’enfant, passant de la cruauté de la guerre à l’impertinence d’un gamin qui dessine Hitler, une chope de bière devant lui. On pense à Chaplin dans Le Dictateur : c’est un même humour qu’on retrouve dans les dessins du petit Jean-Thomas. Celui qui naît d’une sensibilité trempée dans un siècle de barbarie.

À la guerre comme à la guerre
Tomi Ungerer
L’École des loisirs (Médium)
114 pages, 11

L’humour, pas la guerre Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°41 , novembre 2002.
LMDA PDF n°41
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