Un déjeuner ça vous va ?
Volontiers, mais ouiiiiii, je hurle intérieurement, c’est ça que je voulais, yes, nom de Dieu, bingo, mais avec joie, c’est, ah comment vous dire ?
Rien.
Rien ne vient, je cherche la chose qui manque, je suis tellement heureuse ? elle doit s’attendre à une phrase, un merci ? une formule ? ou alors, c’est le contraire, elle n’attend rien du tout, c’est ça, même pas au revoir, clong, elle a raccroché.
Problème ?
J’aurais peut-être dû dire quelque chose comme Ne vous mettez pas en quatre, quelque chose d’aimable, d’important, une phrase pour marquer le coup, vous êtes tellement ? je suis si ? c’est trop compliqué, il faut arrêter ce cirque, j’arrête maintenant, a wop bop a loo bop, a lop bam boom.
Je suis une fée.
J’en ai jusque-là de toutes ces complications, elle fait un rapide double geste de la main au-dessus de la tête, assez-assez, demain c’est fini, elle chante, je suis personnellement invitée à déjeuner chez Gertrude Stein, c’est la nouvelle du jour.
C’est ma chance.
Je vais lui faire une performance maison, elle va m’aimer, je fonce, il fait beau, on se comprendra sans même avoir à se parler, voilà ce qu’on va raconter, Une fée est invitée chez Gertude Stein et d’un coup change de monde.
Ça restera gravé.
Un héros fait brusquement fortune, carte du trésor, princesse du jour au lendemain, voilà le programme, pensa-t-elle en accélérant le pas, go, il y a de l’électricité dans l’air, je suis préparée pour ce qui arrive, le temps est magnifique, je n’ai jamais été si en forme, les avenues sont fleuries, aucun trac, j’ai plusieurs idées en même temps, merci ****, la nature est présente, il y a des arbres avec de la lumière dans les cimes, j’avance, je connais la terre entière, c’est mon couronnement, on crie des fenêtres, yeees, il y a des banderoles avec mon nom.
Alléluia.
Nouvelles chaussures à semelles azote, combinaison noire à pois bleus, vitamines A, B, F, Z, X en surdose, temps magnifique.
J’y vais.
Terminé les réglages, comme on doit-le-faire-d’habitude-pour-se-sentir-bien, pensa-t-elle en s’arrêtant pour réduire son avance, ce n’est pas la peine d’arriver la première, pause, on n’a qu’à se régler sur la lumière des cimes.
Doucement.
Olivier Cadiot
Dossier
Olivier Cadiot
Fairy queen (premières feuilles)
novembre 2002 | Le Matricule des Anges n°41