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Théâtre Violentes frontières

novembre 2002 | Le Matricule des Anges n°41 | par Laurence Cazaux

Le Mouton et la baleine

Entre les moutons égorgés et les baleines échouées, Ahmed Ghazali publie une pièce à la mémoire des clandestins morts pour avoir trop désiré le Nord. Comme un cri de rage.

Ahmed Ghazali a déjà vécu plusieurs vies. Né à Casablanca, il fait des études scientifiques au Maroc et en France pour devenir ingénieur géophysicien en exploration pétrolière, entre autres dans le désert du Sahara. C’est sa rencontre avec le désert qui lui fait découvrir sa véritable vocation : « l’exploration de l’âme et de l’imaginaire par l’écriture dramatique ». En même temps qu’il écrit, il prépare aujourd’hui un DEA de philosophie à l’Université du Québec à Montréal.
De par sa vie, Ahmed Ghazali est au croisement de deux mondes, le Sud et le Nord.
Au départ de sa pièce Le Mouton et la baleine, voici le fait divers tel qu’il était relaté par le journal marocain L’Opinion du 11 juin 1992 : « Le 8 juin 1992, à deux heures du matin, une embarcation en bois, transportant une vingtaine de clandestins marocains, sombre dans les flots du détroit de Gibraltar. Un cargo russe, de passage dans le détroit au moment du drame, parvient à sauver une personne et à repêcher quelques cadavres. Pour remettre le survivant et les corps aux autorités marocaines, le cargo est contraint de payer les droits d’entrée au port de Tanger ! De longues tractations ont lieu jusqu’à l’aube… L’événement a lieu à quelques jours de la fête du Mouton. »
Un fait divers qui déclenche l’écriture d’Ahmed Ghazali comme un cri de rage. Déjà dans la proposition scénographique, l’espace met clairement en tension ce Sud et ce Nord. La scène est un vieux cargo russe. À droite une pile gigantesque de vieux conteneurs de couleur et en mauvais état est censée représenter l’Afrique, le ghetto. À gauche, des cabines qui donnent sur le pont du cargo, en hauteur, symbolisent la tour d’ivoire qu’est l’Occident. Au milieu un espace vide, c’est le fossé entre le Sud et le Nord, le champ de bataille et l’espace de la confrontation.
Car le théâtre de Ghazali est violent, il va même au bout de la violence, dans plusieurs scènes de chasse à l’homme se terminant par le massacre d’un noir clandestin, traqué comme une bête dans le seul but d’éviter de payer l’amende à l’arrivée du bateau. L’un des assassins précise : « On me demande de nettoyer, je nettoie. C’est l’Europe qui nous le demande. Ils nous disent : dix mille dollars par clandestin à bord. C’est du massacre. Ils savent que nous aurons toujours des clandestins à bord. Ils le savent très bien, ils ne sont pas cons. Conclusion ? L’Europe nous dit : »Massacrez-les, sinon nous vous massacrons« . Et nous avons compris le message. »
Toute la pièce se déroule comme dans le fait divers, la veille de la fête du Mouton, l’Aïd-el-Kebir, où les musulmans sacrifient un bélier face à La Mecque. Hassan, l’un des protagonistes entré clandestinement en France voilà plusieurs années et vivant avec Hélène, une Française, va renouer de par la violence de cette nuit, avec ses origines et retourner vivre au Maroc. Une scène intitulée « La légende d’Abraham », scène de bascule, de chant, de danse et de transe, voit Hassan accepter d’égorger un bélier au milieu des cadavres de noyés qui reviennent à la vie. Pour Ghazali, cette scène est « une démonstration de ce qu’est une théâtralité arabo-musulmane qui se manifeste dans le lien anthropologique entre la violence et le sacré, en opposition à la culture d’objectivation et de représentation qu’incarnent Hélène et les touristes. »
Cette violence est dérangeante et en même temps, elle est salutaire, particulièrement pour les habitants de la vieille Europe, avec la mise en place de tout un système ultra-sécuritaire de protection aux frontières. Ahmed Ghazali dit avoir écrit cette pièce par excès. Excès qui peuvent se révéler par moments limites. Mais par là même, l’écrivain renoue avec le théâtre de la catharsis, le théâtre comme un exutoire physiologique nous invitant, ici, à rencontrer l’étranger.

Le Mouton et la baleine
Ahmed Ghazali
Éditions Théâtrales
94 pages, 14,50

Violentes frontières Par Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°41 , novembre 2002.