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Poésie Entre deux airs

janvier 2003 | Le Matricule des Anges n°42 | par Emmanuel Laugier

Avec Asthme, Frédéric Valabrègue explore toujours les multiples sensations du corps contraint. De l’enfance à l’âge adulte, c’est ici le manque d’air qui est scruté.

Très vite, dès les premières pages, Frédéric Valabrègue nous met au parfum : « Une première crise d’asthme à l’âge de six ans en mai 1962. Ça ne crie pas gare. Il y a un avant et un après ». Et plus loin, pour entrer dans le sujet avec un couteau plus fin : « Ça agit par rémanence. C’est un long ébranlement. Ça n’est pas du dégoût mais une violence qui sape. Un choc, puis un autre d’année en année. On ne fuit pas. On va dedans pour voir comment ça fait ». De cette expérience de tubard minimal, qu’une volée de poussière de magnolia renverse et suffoque, Frédéric Valabrègue fait ici, selon le programme énoncé, une sorte d’autoportrait. Avant il y avait la maladie du mélancolique, la tuberculose, aujourd’hui il y a cette petite fleur, inaperçue, nénuphar réduit logé dans le poumon, qui fait de son sujet un filtre avec tuba étroit, un être à demi hors du monde. Pour la raison que pour l’asthmatique, « c’est tout creusé à l’endroit du sternum, défoncé ». Pas question d’aller courir dans les lavandes et jouer avec les guêpes. Se joueront d’autres jeux, avec Asthme, comme c’est écrit, devenu dans une simple phrase un ami. Dans tous les cas, il faut au narrateur tirer son parti de Asthme, trouver avec lui un rapport, en faire son « western ». Les 190 pages qui suivent en sont la traversée sublime, parce qu’il y a en elles un véritable devenir, disait Gilles Deleuze, du sujet pris dans l’asthme. À vaciller de sueurs froides, étouffant là où la crise monte, autant apprendre à contre-effectuer le mal pour jouir des bonnes sensations qu’elle pourra donner. De cette contradiction apparente, Asthme fait sa dynamique.
Comme c’était le cas dans le magnifique descriptif du Vert-Clos (P. O. L, 1998), suite de sensations ultra-rapides aussi bien charnelles que purement mentales de frères et sœurs face aux adultes, Asthme est une enfilade de micro-récits plongés dans un long bloc de prose partagé en 24 sections. Nous traversons donc, en somme, une journée très étendue, de l’enfance jusqu’à l’âge adulte, mais sans chronologie véritablement marquée : seule voici la vie croisée de l’asthmatique et de son ami Asthme, et ce qu’ils réussissent à croiser à deux dans la vie elle-même. Asthmatique et Asthme sont donc sur un bateau, mais personne ne tombe à l’eau. Ce sont des sortes d’Agricole et Béchamel, les deux protagonistes du deuxième roman (P.O.L, 1992) de Valabrègue, personnages entrés en contact par hasard, ou bien par nécessité (on ne sait pas), mais sans volonté d’osmose, ni de rejet. Ils ont trouvé entre eux un lien, un accord, une démarche un peu en crabe, méfiance qui se laissera entraîner.
Les événements sensitifs que l’asthme produit, ou appelle, dessinent ainsi une physique spéciale, comme si le sujet avait la tête à l’envers. C’est ce qui fait leur force et leur justesse. La situation de l’enfant ou de l’adulte est à part, toujours déplacée, comme lorsque, à dix ans, en échange de récits de fellaghas, le jeune narrateur se laisse caresser avec Nabib. Puis c’est accroupi sous un taillis qu’il voit une fille s’accroupir elle-même « son bikini de travers, (…) fente beaucoup plus brune vers laquelle j’ai été aspiré ». De là à vouloir devenir la fille et à la sentir en soi naître, il n’y a qu’un pas que l’asthme, dirait-on, permet de franchir.
Asthme est ainsi une expérience tendue entre « la présence à soi-même et l’évanouissement ». Asthme est un infini turbulent qui invente, sans leurre, des passions revigorantes.

Asthme
Frédéric ValabrÈgue
P. O. L
190 pages, 15

Entre deux airs Par Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°42 , janvier 2003.