Paru en 1998, le premier livre de Jacques-Henri Michot Un ABC de la barbarie formait une sorte de work in progress inachevable que l’éditeur, Al Dante, jugeait comme un possible manifeste de sa maison. D’une composition savante, jouant des citations, notes et bruits, l’ABC tentait d’agencer une rage, tenace, qui s’élevait contre la barbarie qu’est cette « forme »d’exploitation et d’oppression« dont le langage médiatique stéréotypé est l’instrument ».1 Stéréotypes, lieux communs, no man’s land de la parole se heurtaient de manière encyclopédique et souvent drôle aux citations d’auteurs aimés -anthologie précieuse de phrases vives qui offraient résistance.
Sorte d’appendice, La vingt-trois mille deux cent vingt-septième nuit poursuit le travail d’édition du François B. de l’ABC qui donne à nouveau à lire des pages retrouvées post-mortem de Barnabé B., l’homme qui édifia sans l’achever le premier texte. Notes de travail, litanies négatives forment ici comme en creux le portrait d’un homme qui, dans la nuit de son travail, éprouve « quelques raisons de (s)e plaindre de l’existence qui est la (s)ienne » tout en considérant qu’il ne se « tire pas trop mal du métier de vivre ».
Le biographique qui s’échappait des notes de l’ABC prend ici place au cœur de pages dont la plénitude fêlée s’exprime encore par les blancs et ratures d’une écriture et d’une recherche fiévreuses. Une manière, assurément, de suivre deux préceptes mis en exergue de Joseph Joubert : « pensez aux maux dont vous êtes exempt », « Dites-moi ce qui se passe sur la terre ». Rencontre avec une œuvre remarquable.
La vingt-trois mille deux
cent vingt-septième nuit
Jacques-Henri Michot
Al Dante
88 pages, 15,25 €
1 Citation tirée d’une précieuse conférence de l’auteur donnée à Horlieu, publiée sous le titre De l’entaille par les éditions Horlieu.
Poésie Au bout de la nuit
janvier 2003 | Le Matricule des Anges n°42
| par
Pierre Hild
Un livre
Au bout de la nuit
Par
Pierre Hild
Le Matricule des Anges n°42
, janvier 2003.