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Jeunesse Au cœur du rêve

mars 2003 | Le Matricule des Anges n°43 | par Thierry Guichard

L’illustratrice belge Anne Herbauts, née en 1975, invente un nouveau genre. Fruit de la poésie et de la bande dessinée, son art naît entre rêve et réalité, entre deux battements de cœur.

Anne Herbauts n’écrit pas et ne dessine pas pour les enfants. Elle le fait pour l’enfance. Les enfants sont des êtres humains, l’enfance est un état. Face à ses albums le lecteur, quel que soit son âge, plonge en enfance : il se met à rêvasser, à imaginer, à ressentir. Parce que l’enfance est aussi l’état où le rapport au monde se fait le plus dans une sensualité intérieure, une appréhension sensible des choses. Dans cet album, fruit de la bande dessinée, de la poésie et du dessin, la part laissée au lecteur-vagabond est si vaste qu’il peut se perdre dans une errance introspective embrumée de douceur et d’émotions. Lire Anne Herbauts c’est changer d’état, c’est entrer dans un temps ralenti, redevenir embryon, mais embryon du cœur.
Cardiogramme donne à voir un personnage de chien blessé qui vit à l’intérieur du cœur humain, un bandage sur sa poitrine. Il attend des nouvelles, n’en reçoit pas, il pleure, beaucoup et peut-être aussi parce que dehors il pleut et qu’il a lu Victor Hugo. Quelqu’un manque. Histoire de deuil. Il erre sur la plage, sur la falaise, il fait des ricochets ; la note qu’il préfère c’est le si, bien sûr qu’elle évoque des conditionnels, des rêves qui pourraient devenir réalité. Ce qu’il rêve (un bateau, un avion) devient réalité sur le papier seulement, prend des formes inattendues, disparaît. Il erre au bout de la falaise, un fil dans la main, le fil de la vie avec au bout un cerf-volant. Les mots créent des images, le ré de la musique (les blues se jouent en ré mineur) devient la raie maritime qui ressemble à un cerf-volant, décidément. Parfois on ne voit pas bien : comme on dit qu’il n’y a pas de mots pour la souffrance, il n’y a pas d’images non plus. Des traits noirs, seulement.
Composée au crayon gras, en noir et blanc, chaque image de l’album possède une profondeur, amorce plusieurs lectures. L’étrangeté du dessin (une maison enfantine, dans un cœur, posé sur le paysage) déshabitue le regard, le fait bouger, le met au seuil de tomber.
La lecture peut ainsi pénétrer l’épaisseur du dessin ou, par la succession des vignettes, se dérouler sur le plan de la page. Les cadrages, qui rythment le récit verticalement, ici, horizontalement, là, donnent au déséquilibre l’impression d’une danse. Le rapport entre l’image (parfois très simple, presque brute) et le texte quelquefois très élaboré :« mes rêves sont épuisés, à l’agonie. Je tourne dans mon pays clos entre les épaves de mes illusions », ouvre un espace infini dans lequel le lecteur est appelé à faire le lien, à partir de ses propres images, de ses propres mots. Cet écart permanent, cette claudication du sens transformé en danse nostalgique se décline aussi dans les jeux de mots et les jeux de traits. Les métamorphoses transforment les branches d’un arbre en veines et artères puis en fleuves et rivières.
Si le récit suit la logique du rêve, détournant les images obsessionnelles d’une page l’autre, faisant apparaître un rhinocéros, une chanson, transformant un vaisseau en sa maquette, le rêve suit les rythmes du cœur blessé. C’est plein de silence, de moments figés qui viennent buter sur la douleur inexprimable. Cardiogramme n’est pas un livre qu’on oublie. Au contraire : il fait à coup sûr partie des livres qu’on reprend, un jour de pluie, un soir de vague à l’âme. Se glisser sous la couette, regarder notre animal triste chiffonné de traits noirs, se voir comme en un miroir (le « miroir aux amourettes »), glisser dans le rêve, glisser dans la douce tristesse, apprivoiser la douleur, voilà, l’enfance nous ouvre les bras, la douleur, la douceur se marient en spirale, un tourbillon léger qui nous emporte, on est loin, on est là : au cœur de soi.

Cardiogramme
Anne Herbauts
Éditions de l’an 2
(3, rue de la Charente
16000 Angoulême)
48 pages, 12,50

Au cœur du rêve Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°43 , mars 2003.
LMDA papier n°43
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