Sous son allure indolente de signataire d’armistice, Martin Page est un coriace bretteur. Les attaches de la réalité se rompent sous son fleuret. Son escrime littéraire est un enchaînement de touches alertes et inattendues. Dans Comment je suis devenu stupide (Le Dilettante, 2001) et Une parfaite journée parfaite (Mutine/Nicolas Philippe 2002), les cocasses arabesques de sa pointe avaient séduit par leur panache. Sans renoncer au burlesque, ni à une naïveté retouchée d’ironie et de férocité, La Libellule de ses huit ans, son troisième roman, possède une tonalité plus tragique. Loufoques et tendres, ses estafilades touchent le cœur. Dans ce récit d’un piège doré tendu à une jeune fille désarçonnée, Fio Régale, une pensive princesse d’aujourd’hui incapable de « croire aux parapluies » sous l’averse, les volutes ont acquis une épaisseur dramatique. Et l’épée, la virulence de l’estocade. « Dans La Libellule de ses huit ans, l’ironie est davantage en demi-teinte, reconnaît Martin Page. C’est sans doute une question de maturité ! »
Né en février 1975 à Paris, ce fils d’une institutrice, vite devenu plaisancier de l’Éducation nationale, affecta durant quelques années d’adhérer à l’avenir promis par de distrayantes études d’ethnologie. Il rendit quelques copies sérieuses, accomplit de brefs séjours d’études en URSS -dans un camp des jeunesses communistes ou comme membre d’une équipe universitaire chargée de répertorier la faune de la forêt de Kaluga !-, devint durant cinq ans surveillant d’externat en LEP et collège, maître d’internat en lycée… Bref, il s’essaya à l’autobiographie enlevée. Mais jamais il ne marchanda son goût pour la confiture d’oranges, le théâtre élisabéthain et ses secrètes ambitions : se couler dans une « vie désespérément tranquille », négociée dans la dégustation de thé et l’écriture. Une inclination découverte dès l’enfance. « Lorsque j’avais une dizaine d’années, j’ai lu un récit, Le Faiseur de pluie je crois, qui racontait l’histoire d’un charlatan qui se vantait de pouvoir faire tomber la pluie grâce à une machine farfelue. Ce livre m’a émerveillé. J’ai toujours souhaité participer à cette magie des mots ».
Quand elle lui fut enfin accordée en janvier 2001, lors de la publication de Comment je suis devenu stupide, cette quiétude fut vite assaillie. Le thé refroidissait la tasse, devant des journalistes échauffés par ce succès vite infusé et intrigués par la dégaine de Martin Page, ce Woody Allen de Paname qu’un coup de téléphone des éditions Le Dilettante, en octobre 2000, avait enfin récompensé de sa ténacité. Réédité l’été dernier chez J’ai lu, vendu aujourd’hui à 25 000 exemplaires, Stupide est traduit en dix-neuf langues -dont récemment en russe et en japonais. Et des adaptations cinématographiques ne sont pas exclues. « Les Canadiens de Cinémaginaire International, qui ont notamment produit des films de Denys Arcand, ont acheté les droits non-exclusifs cinématographiques, explique Martin Page. Je souhaite...
Entretiens Page par Page
mars 2003 | Le Matricule des Anges n°43
| par
Pascal Paillardet
Martin Page poursuit sa passe d’armes avec la réalité. Le coupe-choux toujours plus affilé, l’auteur de "Comment je suis devenu stupide" déchire les liens de la conspiration sournoise qui tourmente son héroïne Fio.
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