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Domaine français La politique du lapin

mai 2003 | Le Matricule des Anges n°44 | par Xavier Person

Dans "Formage", Nathalie Quintane pousse l’humour à froid jusqu’à refroidir toute possibilité de récit. C’est un livre à secouer avant d’ouvrir.

Formage n’est pas le titre exact d’un livre. Ce n’est pas exactement le livre que vous lirez, c’est un livre dyslexique où par exemple on peut faire un personnage principal d’un homme qui se lève un matin et ne peut plus dire qu’un seul mot, « Orangina », ne pourra plus jamais répéter que ce mot, si bien qu’on aurait envie de le secouer parfois. Le personnage et le livre. Le personnage pour le sortir de cette mauvaise passe. Le livre pour le remettre en ordre de marche.
Formage est une énigmatique proposition de décalage des modalités d’un récit peu probable. On pourrait dire que c’est un livre sans relief, en cela que tout y tombe un peu à plat, aplati par l’hyper lucidité de l’auteur, non dupe des modalités de sa propre écriture, se déjouant de toute illusion quant aux effets (reliefs) de sa phrase, comme refroidi (ce qui d’ailleurs est le problème de notre personnage, victime en quelque sorte d’un démarrage à froid, réveil décalé d’avoir soi-même, non coïncidence prolongée).
Formage n’est pas un livre écrit correctement. Par exemple il nous parle de la Pologne qui a un territoire un peu élastique, d’où semble originaire notre personnage qui semble avoir été un chauffeur de camion (il est aussi question de motocross, mais on y reviendra), sans qu’on sache très bien ce que vient faire la Pologne dans cette histoire. À moins qu’on puisse comparer ce pays à un lapin dans la phrase « un lapin traverse la rue » qui selon Nathalie Quintane est l’équivalent de, par exemple, « le travail peut devenir une libre activité, riche en jouissance », ce qui nous amènerait à une dimension plus politique car, si l’on veut bien considérer comme inhabituel le fait qu’un lapin traverse la rue d’une grande ville, on considérera avec l’auteur que, c’est écrit en gras dans le texte : « toute proposition rapportant un fait inhabituel serait susceptible d’être un programme politique ». Mais il faudrait surtout parler de Roger (celui qui répète Orangina), qui reste quelque chose comme le personnage du livre et dont on imagine bien qu’il pose plein de problèmes à son entourage. On croit être dès sa naissance familiarisé avec soi-même et voici que plus rien, dans le discours, dans le langage et donc dans l’histoire de sa vie, ne s’enchaîne plus comme avant. Cette insistance répétitive d’un simple nom équivaudrait au sautillement du lapin sur le passage clouté du roman, lequel roman dès lors, à la manière de Nathalie Quintane, s’égare dans des supputations, des bifurcations syntaxiques aléatoires, des écarts dans le récit qui font qu’aucune adéquation n’est possible, aucun emballement de l’histoire (on reviendra plus tard au motocross). « Dans la lecture, écrit-elle, nous ne sommes plus séparés des phrases. C’est une action chauffante, englobante, fusionnante. » Disons alors que ce texte refroidissant nous maintient à distance de lui-même, se décalant constamment, dans une sorte d’abstraction froide et détachée, désenchantée (un peu comme une histoire drôle mal racontée qui en devient encore plus drôle ou comme un moteur qui n’arriverait pas à démarrer et cela aussi devient drôle).
À un moment (on y vient), il est question d’un terrain de motocross, où il apparaît que l’important n’est pas tant d’ôter les bosses que d’en varier la disposition, « d’en augmenter toujours le péril car vitesse (dans ce cas) = péril. » Car c’est aussi un livre sur la vitesse (ou la lenteur) dans la phrase, ou quelque chose d’approchant, un livre qui dans sa drôle de mécanique nous ferait ressentir la sensation du virage pris un peu trop vite, dérapage, glissement de terrain, perte de contrôle du véhicule, sensation d’apesanteur ensuite, plongeon, etc.

Formage
Nathalie Quintane
P.O.L
202 pages, 18

* À signaler aussi, du même auteur, la publication de deux fictions radiophoniques, Les Quasi-Monténégrins suivi de Deux frères (P.O.L) et d’un disque avec Stéphane Bérard, Progressistes (Al Dante).

La politique du lapin Par Xavier Person
Le Matricule des Anges n°44 , mai 2003.
LMDA PDF n°44
4,00