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Poésie Le voyage enchanté

juillet 2003 | Le Matricule des Anges n°45 | par Emmanuel Laugier

Poète, essayiste, dramaturge, Jean-Christophe Bailly dessine en une double livraison la scène retirée d’un géant et celle, endurante, du théâtre lui-même.

El Pelele est, selon le carton d’un tableau de Goya, le pantin que trois femmes riantes font sauter au-dessus d’un drap tendu. Ici, pour Jean-Christophe Bailly, ce mot titre le texte intégral (et magnifique) de la pièce que Georges Lavaudant, ami de vingt ans, a mise en scène au théâtre de l’Odéon Berthier en mai dernier. Et incarne la figure de El, personnage central qui, pour se présenter aux hommes, portera le nom de Pedro Vallejo, ramoneur. C’est que El Pelele, lointain écho de Pinocchio, accompagne un géant aveugle, Orion. C’est la première scène d’ouverture du livre que Bailly appelle « déposition ». El, en effet, moins pantin que guide du géant, a pour tâche de le conduire vers le soleil levant où, selon la mythologie grecque, il retrouvera la vue. Mais le géant le dépose à terre car, traversant la montagne, ses cirques vides, ses forêts denses, El fait remarquer à Orion qu’au loin, dans la vallée semble-t-il, brillent les feux d’une ville. L’impatience et la curiosité retenues qu’El manifestera envers cette ville du bas, le désir de s’y mêler, seront bien sûr vite saisies par le géant. Il lui offrira alors cette déposition, « cette nuit et celle de demain », lui rappelant de ne pas oublier de le reprendre « à l’aube du deuxième jour ». Vingt-cinq tableaux vont alors se dessiner et contenir les événements de la descente de notre tout jeune El. Aux 24 heures d’une journée, Jean-Christophe Bailly ajoute ainsi un supplément inimaginable, cette heure de plus où tout bascule, du haut de la montagne vers le bas de la vallée, du géant vers les hommes. Et tout bascule aussi bien dans le mouvement contraire : les hommes vont alors remonter vers leur peur, dans leur propre malédiction, chasser et tuer ce qui leur est étranger, chasser et tuer les loups, les ours, les errants. Ce double mouvement, El Pelele le contient tout le long de ses tableaux, jusqu’au quasi monologue du pénitent tout droit sorti de l’un des Caprices de Goya.
Mais l’auteur ne décide pas de privilégier tel ou tel mouvement sur l’autre, la pureté de la montagne contre le mélange des villes. Le propos n’est pas là : l’important est que le champ de l’une et de l’autre puissent exister sans même se côtoyer, ou voisiner secrètement ; qu’une idée de la vie intense, une sortie de l’aveuglement et de l’aliénation, y soit le centre de l’expérience des hommes. Bien sûr plus El, ou Pedro, avancera vers les hommes et plus ses fantasmes de fêtes nocturnes, de jupes tournoyantes, s’aminciront. C’est qu’en bas, si la fête foraine bat son plein (tirs au fusil, danseuses, vendeur de foulards, etc), si elle est l’enchantement de tout ce réel ici-bas donné à sentir, elle est aussi ce par quoi tout peut basculer jusqu’à la folie. Cette tension incessante par où la conscience s’éveille, El aura à la comprendre lorsque le géant lui donnera son congé. Ce sera, pour lui, comme passer par le chas d’une aiguille. Et sentir, d’un coup, ce qu’ouvre la vallée devant lui.
Poursuites, lui, rassemble seize textes sur le théâtre : une éthique qui se réfléchit aussi bien à travers une étude sur Woyzeck, le champ vide et le centre éclaté comme origine de la scène, ou le souvenir de villes à travers le théâtre, Saratov en Russie ou Bhopal en Inde. Au fond, c’est le battement imperceptible d’une ombre contre un mur, filant au bout d’une ruelle, qui ouvre le théâtre pour Bailly et fait son éclat le plus lointain et le plus proche.

Jean-Christophe Bailly
El Pelele
et Poursuites
Christian Bourgois
96 et 136 pages, 10 chacun

Le voyage enchanté Par Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°45 , juillet 2003.
LMDA PDF n°45
4,00