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Domaine étranger Au paradis artificiel

juillet 2003 | Le Matricule des Anges n°45 | par Thierry Guichard

Romancier visionnaire, John Cheever (1912-1982) tisse le portrait d’une Amérique bien-pensante. Et ne se fait pas d’illusions sur le sort réservé à ceux qui voudraient la réveiller.

Les Lumières de Bullet Park

Prenez une petite musique de chambre, une berceuse qui tisse gentiment des accords religieux, puis, sournoisement, glissez un bémol et une note en mineur dans la partition, puis une autre, une autre encore, et maintenant comme le son d’une percussion qui monte, un soupçon d’inquiétude, juste de quoi modifier le tempo de la mélodie, le perturber, faire apparaître des dissonances, des désaccords, tenez le rythme malgré la rumeur qui grandit, les cris maintenant, la folie, tenez bon, vous êtes au paradis, autant dire : en Amérique. Plus exactement à Bullet Park où nous débarquons en même temps que Hammer. Bullet Park est une ville propre, « à l’acoustique stérilisée », où vivent des gens de bonne compagnie : « ils étaient charmants, ils étaient brillants, ils étaient incandescents, et leur agenda mondain était rempli ». On va à l’église avant d’aller dans des clubs où sont proposées des démonstrations « de hula-hoop pratiquée(s) par Mrs. Leonard A. Atkinson, accompagnée de son mari au ukulélé ». Bullet Park compte quatre autels et mieux vaut ne pas être juif. Bienvenue donc.
Si l’on arrive avec Hammer dans cette bourgade américaine, on laisse notre nouveau venu pour nous intéresser à Nailles (on passe ainsi du marteau aux clous puisqu’ainsi se traduisent les noms des deux protagonistes). Quand il roule en voiture, cette année-là, Nailles met toujours les essuie-glaces même s’il ne pleut pas. C’est que, nous dit l’auteur « la société était devenue si mécanisée et nomade que des signaux ou des moyens de communication nomades avaient été établis grâce à l’utilisation des phares, des feux de position, des clignotants et des essuie-glaces. (…) Pendez les assassins d’enfants (phares). Réduisez les impôts sur le revenu (feux de position). » Pour ce qui est des essuie-glaces, ils servent alors à « exprimer sa foi en la résurrection des morts et la vie du monde à venir ».
La foi de Nailles le bienheureux (il aime sa femme Nellie et son fils Tony) va être mise à rude épreuve. D’abord parce que Tony refuse un matin de se lever, englué qu’il est dans une étonnante tristesse. Arrivé là dans le récit, le lecteur se souvient que parmi les gens « charmants » de Bullet Park, certains se sont tirés une balle dans la bouche… Le paradis sur terre fait entendre les premières fausses notes. Il va y en avoir d’autres, chacune venant faire comme une éraflure à l’apparent bonheur de l’american way of life. Et d’éraflures en éraflures, le lecteur peu à peu perçoit sous l’apparence des personnages, toute une civilisation morbide, engoncée dans ses valeurs et ses règles de conduite.
On retrouve Hammer dans la deuxième partie du roman qui va nous emmener peu à peu vers une fin hallucinante qu’il faudrait dévoiler pour montrer la force de John Cheever. Hammer a un lourd passé auquel un nom est attaché : celui de sa mère, aventurière des grands hôtels européens, qui a su très tôt abandonner toute entrave (y compris son fils) pour vivre comme on brûle. Mère haïe et adorée, monstre au regard de la bonne société de Bullet Park dont le portrait fait un maelström dans le corps faussement apaisé du roman. C’est en son nom, peut-être, que Hammer est venu s’installer ici. Pour y faire quoi ? On le taira : vous le lirez et vous ressentirez peut-être quel sentiment cela fait de préférer, aux victimes, leur prédateur.
« L’homme était pourvu d’une nature terrifiante et singulière et son environnement était le chaos » : d’où certaines berceuses qui visent à l’endormir pour longtemps. Et ce livre qui réveille.

Les Lumières de
Bullet Park

John Cheever
Traduit de l’américain
par Dominique Mainard
Le Serpent à plumes
270 pages, 20

Au paradis artificiel Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°45 , juillet 2003.
LMDA PDF n°45
4,00