La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Intemporels Dhôtel de charme

juillet 2003 | Le Matricule des Anges n°45 | par Didier Garcia

Roman d’apprentissage, Lumineux rentre chez lui raconte l’errance d’un homme qui se cherche, dans une quête existentielle qui l’entraînera au bout de soi. Une rêverie délicate.

Lumineux rentre chez lui

Il est des écrivains qu’on lit durant l’enfance et dont on abandonne aussitôt la lecture, les croyant uniquement destinés à la jeunesse. André Dhôtel est de ceux-là. Qui n’a lu, au cours de ses années de collège, dans la foulée d’un Jack London ou du Grand Meaulnes d’Alain Fournier, Le Pays où l’on n’arrive jamais, ce petit roman délicieux qui lui valut un Fémina en 1955 ? En rééditant, à la demande de la famille de l’écrivain, les douze romans qui constituent la colonne vertébrale de son œuvre (à ce jour, trois d’entre eux ont paru : Ma Chère Âme, Un Jour viendra et Lumineux rentre chez lui), les éditions Phébus nous invitent à redécouvrir celui en qui Alexandre Vialatte a toujours vu « un talent de premier ordre ».
André Dhôtel naît en 1900 dans les Ardennes, région forestière qui fournira un cadre enchanteur à son œuvre romanesque. Son service militaire le met en contact avec Robert Desnos, Georges Limbour, Roger Vitrac et Marcel Arland. Avec ces deux derniers, il fonde la revue Aventure, puis s’associe à André Malraux et à Pierre Mac Orlan pour une nouvelle expérience revuiste : Dés. De 1924 à 1928, il s’exile à Athènes, en tant que professeur à l’Institut Supérieur d’Études Françaises. Après plus de dix années de refus éditoriaux (qui le mènent au bord de la dépression), Jean Paulhan le soutient auprès de la NRF en 1943, où il publie un roman : Le Village pathétique. Successivement couronné pour l’ensemble de son œuvre par le Grand Prix de l’Académie française et par le Grand Prix national des Lettres (en 1974 et 1975), il s’éteint en 1991, laissant à la postérité deux recueils de poèmes, quelques essais (sur Rimbaud, Paulhan et Jean Follain), un nombre impressionnant de chroniques fabuleuses, ainsi qu’une quarantaine de romans, dans lesquels il transpose l’atmosphère inquiétante des forêts de son enfance, où le mystère côtoie le fantastique.
Publié chez Gallimard en 1967, Lumineux rentre chez lui met en scène un de ces adolescents vagabonds qui semblent avoir obsédé Dhôtel.
Le roman commence par une tentative de vol dans la librairie où travaille Elvire, la sœur de celui que tous surnomment Lumineux, à savoir Bertrand Lumin, jeune homme dont la vie n’a pour ainsi dire pas de sens, et que seuls des détails futiles parviennent à retenir. L’intrigue l’entraîne assez vite dans des hameaux, dans ces petits pays qui sentent bon le terroir, et où apparaissent de belles jeunes filles qui ont pour seul défaut de mourir brutalement. Bertrand mène alors une existence des plus simples. Selon Elvire, les désirs de son frère sont même élémentaires : « Il regarde une mouche voler, et il est content. Il ne voit pas plus loin que la minute qui suit. En somme personne n’est plus heureux que lui. » Lumineux n’est certes pas très exigeant ; sa gourmandise a la vertu du raisonnable : « En quelque situation que l’on soit la vie s’éveille, le soleil brille, les papillons voyagent, les fleurs s’ouvrent ». Et pour Bertrand, cela suffit presque. Mais heureux, dans ce monde « où on a bien du mal à comprendre quoi que ce soit », c’est quand même beaucoup dire. Ne parvenant à se fixer nulle part, il passe de petit boulot en petit boulot, sans cesser de compte sur l’avenir avec la même foi inébranlable, croyant imperturbablement dans le langage des signes, auxquels il se fie en aveugle pour avancer, s’en remettant aussi bien aux arcs-en-ciel qu’aux moineaux volant au-dessus des prés, ou aux paroles que le hasard jette sur sa route, quand bien même elles seraient celles d’un ivrogne. Invariablement, les signes lui promettent le plus brillant des destins, et, bien qu’ils se trompent souvent, Bertrand continue d’attendre « l’événement impossible qu’il espérait depuis son enfance ».
Comme dans les vrais romans, où il arrive que le destin favorise soudain le héros, l’événement impossible en vient un jour à se produire : Bertrand gagne une somme considérable à la loterie, somme qui le propulse sur le devant de la scène. Il côtoie alors quelques grands du monde (ou qui se croient tels) ; au cours de dîners ennuyeux avec des notables du coin, on lui promet même un mariage avantageux ; mais on comprend bientôt que l’argent ne pourra pas tout pour cet homme toujours en quête de sa propre vérité, toujours aussi attiré par la nature, et requis par un rêve qu’il ne parvient pas à formuler (à moins qu’il ne s’agisse de faire le tour du monde, pour des raisons connues de lui seul). Et fatalement, son destin le rattrape : un soir, il fait une (mauvaise) rencontre ; quelques mois plus tard, il est ruiné.
Après avoir joué un rôle de premier ordre (sorte de conseiller culturel), Bertrand, qui semble être « né pour faire n’importe quoi », va de nouveau connaître la condition de subalterne, se rapprochant alors des bois, où il peut enfin « regarder le ciel à travers les branches », se trouvant un temps soupçonné d’avoir tué un garde-chasse, et se plaisant dans la seule compagnie des vaches -son idéal du moment, dans cette vie devenue animale, étant alors « d’être vacher, en attendant de faire le tour du monde », ou plus exactement de retrouver l’élue de son cœur à Paris.
Henri Thomas incitait à se méfier de la « redoutable simplicité » d’André Dhôtel. Il est vrai qu’en plantant volontiers ses racines dans l’univers des contes, avec ses prés inondés de soleil, ses sylves bavardes, et ses nymphes au regard qui ensorcelle, ce roman a de quoi charmer le lecteur, au risque de le faire passer à côté de l’essentiel. Lumineux rentre chez lui est beaucoup plus qu’un divertissement ; il pourrait bien être un roman de formation, car derrière son apparente simplicité se cache une quête existentielle : dès les premières pages, Bertrand se désespère de n’être pas encore un personnage, alors que son ami Lucien est déjà chef de famille, et fonctionnaire. Mais il lui faudra aller de Charybde en Scylla (« Il n’y avait pas eu de drame, il n’y aurait pas de drame. L’usure pure et simple ») pour comprendre qu’être un personnage c’est surtout être en soi : « Chacun en somme se trouve dans ses idées comme dans un pays différent des autres ». Un pays où l’on arrive difficilement.

Lumineux rentre chez lui
André DhÔtel
Phébus libretto
286 pages, 8,9

Dhôtel de charme Par Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°45 , juillet 2003.
LMDA PDF n°45
4,00