Collection de commentaires de textes, réunion d’articles pour certains inédits, pour les autres augmentés, ce nouvel opus sur un Artaud décidément à la mode est un petit monument de complétude et de sérieux : un long panorama qui va des textes de 1924-25, L’Art et la mort, Le Pèse-nerfs, à ceux de 46-47, Van Gogh, Pour en finir avec le Jugement de Dieu, sans oublier le Théâtre de la cruauté ou les Tarahumaras des années 30 ; s’il manque quelque chose c’est peut-être seulement un essai sur Héliogabale, étrange et grand roman souvent oublié.
À base de linguistique, d’étymologie, d’extraits de lettres, de fragments biographiques, tout cela agencé avec rigueur et soin, on lit avec plaisir des analyses bien faites du mal dire et du maudire, une dissection de la notion de « résurrection de la mort », des rapprochements avec Beckett ou Blanchot, tout cela appuyé sur un large éventail de citations. Toutes les disciplines abordées par un Artaud polymorphe (les poèmes, le théâtre, la radio, le dessin) sont mentionnées au moins une fois par une critique attentive. Ainsi on reste proche et de l’œuvre et de l’homme, sans dériver vers les habituelles considérations à propos de la « folie ou pas », vers tout le fatras d’imbroglios philosophiques auquel ont pu parfois donner lieu les textes d’après-Rodez. Non, sans complaisance ni apologie, L’Aliéné authentique constitue un très bon moment de critique universitaire à l’usage de tous.
Artaud, l’aliéné authentique
de Evelyn Grossman
Farrago/Léo Scheer, 169 pages, 15 €
Essais Artaud passé au crible
novembre 2003 | Le Matricule des Anges n°48
| par
Ludovic Bablon
Un livre
Artaud passé au crible
Par
Ludovic Bablon
Le Matricule des Anges n°48
, novembre 2003.