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Arts et lettres Barceló l’Africain

janvier 2004 | Le Matricule des Anges n°49 | par Marc Blanchet

Par la justesse de ses impressions, l’artiste espagnol parvient à partager les subtilités d’un continent noir où naissent ses peintures.

Qu’un peintre livre ses carnets, et c’est une forme de narration via des peintres-voyageurs que l’on peut espérer, ou redouter. Ici, l’adjectif africain se joint au désir de l’artiste de nous ouvrir ses horizons. S’agit-il d’horizons d’ailleurs ? On peut lire ce livre comme une sorte de déclinaisons en bribes d’une intériorité. Quel que soit le sentiment ou l’appréciation que l’on puisse en avoir, il est important de souligner combien Barceló nous comble par ces Carnets africains. D’abord parce qu’instinctif et fidèle à la science d’un tel instinct, Barceló ne perd pas son temps à jouer au littérateur. Et c’est dans cette absence de prétention que la crudité de son écriture s’impose. Car écriture il y a, toujours proche de cet instinct qui le fait juger de la pertinence bienvenue de telle couleur, de tel pigment, de tel modèle ou de tel détritus. Les Carnets africains déclinent ainsi listes des choses à faire, listes des choses à penser, à ne pas se représenter, à espérer, à rire, à déjouer. Un caractère puissant imprime sa marque à chaque page, chaque regard porté sur un pays qui est celui du déconditionnement et de la perte.
L’Afrique de Barceló est une Afrique frontale et affrontée, elle se refuse aux évidences, elle poussiérise les envies, défait les jugements, annihile les résistances. Elle salit, pétrit, abandonne, s’abandonne, pervertit, rejette, trahit parfois. Le peintre la parcourt, de Gao à Ségou, de Gogoli au pays Dogon. Il ne joue ni à l’amoureux transi ni à l’amoureux déçu. Il est simplement là. Il a trouvé la terre qu’il lui faut pour peindre, boire, fumer un joint, traîner, aimer peut-être. Terre de rêves parfois, pour peu d’instants, devant ceux qui imposent leur matérialité, leur érosion, leur violence : « Ségou. Une cassette de Bach, la nuit. Au loin on entend les tambours d’un mariage. Je me souviens qu’un jour, l’année dernière, de la terrasse de chez moi j’ai entendu Beethoven sur les ondes courtes d’un vendeur de poulets. Grand effet, comme la première bière après plusieurs mois d’abstinence. »
C’est ce rythme d’éternité et de brièveté que Miquel Barceló maintient tout au long de ces pages, avec une pudeur évidente et un évident besoin de jouissance. L’homme est un homme à la dérive, conscient que l’écriture qu’il pratique ne le rallie au monde que de manière éphémère. Cependant, par ses notes, ses impressions, ses doutes, Barceló affirme son acceptation d’un monde fait de corruption et d’épuisement : « Des Français qui ont vu mes expos et qui disent qu’après être passés ici, ils comprennent mieux ma peinture. Je ne sais pas quoi dire. Peut-être mes tableaux ressemblent-ils à ici, peut-être. Ici, ça me semble chaque fois plus réel et la vie en Europe semble tirée d’un livre ou d’un film. »
Dans cet ensemble apparaissent bien sûr beaucoup de notes sur la peinture, celle que le peintre admire et celle qu’il tente de réaliser, d’atteindre, de parfaire : « Quand je bouge une de mes toiles fixées par de gros cailloux, c’est une formidable agitation d’insectes, qui sont installés dessous : termites, mille-pattes, scorpions… Moi, je travaille d’en haut ; eux, d’en bas. Mes tableaux qui ont un châssis ou qui sont pour l’instant fixés sur une planche sont debout les uns sur les autres, j’y trouve souvent des lézards et des geckos. » L’Afrique donne cela au peintre : le mirage d’une peinture née de la terre. Et parfois la fin apparente d’un tel mirage : la création d’une toile rencontre entre le désir d’un artiste et l’immanence du continent africain. C’est de ce désir que témoigne ce livre. Une autre atteinte surgit au terme de ces carnets : l’apparition par l’écriture d’une quête qui ne cherche pas la révélation mais l’intensité de la vie. Barceló alors de conclure qu’il est en cette terre sans savoir ce qu’il y a ici plus d’ailleurs : « (…) À Paris ou à New York les difficultés de la peinture sont les mêmes, et énormes. C’est plutôt pour faire des tableaux, un tableau qui ait du sens, qui donne du sens à tout cela. »

Carnets d’Afrique, de Miquel Barceló
Traduit (en partie) du catalan par Nicole d’Amonville
Le Promeneu, 218 pages, 29,50

* En écho à ces carnets paraît Barceló, un album de photographies signées Jean-Marie del Moral (Actes Sud, 256 pages, 55 )

Barceló l’Africain Par Marc Blanchet
Le Matricule des Anges n°49 , janvier 2004.
LMDA PDF n°49
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