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Poésie Poème trapèze

février 2004 | Le Matricule des Anges n°50 | par Emmanuel Laugier

Poète ingénieur, l’Italien Leonardo Sinisgalli (1908-1981) nous offre des vers instantanés : cadres et prises de vue incomparables.

Oubliettes, le huitième livre traduit de Leonardo Sinisgalli, donne envie d’aller voir de plus près l’œuvre de ce poète dont l’essentiel de la mémoire fut marqué par « les paysages de son enfance en Basilicate, l’ancienne « Lucanie », (…) patrie d’Horace », « Sud non sicilien » de l’Italie selon les mots de l’un de ses fidèles traducteurs et commentateurs, Jean-Yves Masson. Proche d’Ungaretti par certains de ses thèmes (la douleur concentrée et presque pudiquement lovée dans l’ironie), mais aussi l’emploi restreint et sans chant de la langue, Oubliettes est le dernier livre publié (en 1978) de Leonardo Sinisgalli. Couronné par un prix prestigieux, ce recueil n’en est pas moins un livre de l’adieu, de la solitude, de la mélancolie, mais aussi celui de l’amitié. Une sorte de testament en somme dans lequel Leonardo Sinisgalli aura mis toute son énergie à faire de ses poèmes, selon ses propres termes, « de petits amas de mots » où s’enterrer, des épures quasi géométriques, mais non-euclidiennes. À quoi il ajoute : « Ici (i.e dans ce livre) le poète ne chante pas, il parle, il n’est pas grisé par ce qu’il dit, il ne sollicite ni commisération ni complicité. Il ne jette pas non plus de charme avec des fantasmagories analogiques, des jeux d’adresse. (…) Quand j’étais jeune, moi aussi j’allais chercher l’inspiration auprès des vignes, des montagnes, puis j’ai commencé à regarder les plafonds et les bords du ciel entre les lattes ». On ne pourrait dire plus clairement l’éthique et le dernier mouvement de sa poétique. Il est même presque étrange de retrouver, au détour d’un vers, une densité et une compacité visuelle qu’on retrouvera élargies plus tard en France par exemple chez André du Bouchet et Jacques Dupin : « Randonnées le long/ des routes sous le soleil/ qui provoque de violents/ crachement de sang », ou bien cette « main/ écrasée dans un recoin/ de la mémoire ».
Ces vers, brefs, sont autant d’explosions remontées dans la langue, traces condensées d’expériences simples, immédiates, données à tous, mais restées muettes. Ailleurs, l’attention se porte aux choses immédiates, un tercet dit « Le vent tiède/ de Salerme arrive/ pour radoucir les coings ». Principal représentant de la « deuxième génération de l’hermétisme italien » avec, entre autres, le jeune Luzi, le trajet de Sinisgalli passe de l’interrogation de l’identité du sud de l’Italie (Jean-Yves Masson a parlé de son héritage grec et de la traduction qu’il fera des poètes de l’Anthologie palatine ainsi que de la référence latine à Virgile), à, crucial, sa formation de scientifique (il travailla chez Olivetti puis Pirelli). Son activité de revuiste fut en effet un tremplin important (pas seulement théorique) à l’essor d’une réflexion croisée entre les travaux de la création scientifique et ceux de la poésie. Horror vacui (Arfuyen, 1995) en sera l’une des traces réflexives. Plusieurs poèmes d’Oubliettes en témoignent aussi directement, soit par références historiques (au physicien allemand Heisenberg, à l’Ttalien Enrico Fermi, etc.) soit comme dans « L’Équilibre » cette presque consigne poétique : « Levi-Civita trouva tous les théorèmes/ sur l’équilibre des liquides/ en partant d’une simple réflexion :/ il n’y a pas de frottement entre deux gouttes/ d’eau ».
Les neuf courtes sections d’Oubliettes, selon leur axe, sont des réglages subtils, des alliances de sensations lentes, « qui recommande(nt) de rester immobile, de ne pas bouger ». Une temporalité dans laquelle on remonte aussi à soi, à son temps, à sa mémoire : « Je ne vois pas ce qui est derrière/ ou dessous : que la surface ». Évidente évidence qui revient au lecteur.

Oubliettes, de Leonardo Sinisgalli
Traduit de l’italien par Thierry Gillybœuf
Atelier La Feugrai, 128 pages, 12,50

Poème trapèze Par Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°50 , février 2004.
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