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Domaine étranger Nature humaine

mars 2004 | Le Matricule des Anges n°51 | par Thierry Guichard

En dix récits lumineux, Rick Bass tisse un lien profond entre ce que l’amour a de plus ténu et ce que la nature possède de plus fort.

Il y a quelque chose de cristallin, un air pur, un froid aiguisé, une évidence sensible dans chacune des dix nouvelles qui composent le nouveau recueil de l’Américain Rick Bass. Et des surprises toujours qui nous font passer d’une nouvelle l’autre avec l’émerveillement de l’enfance. Pour ceux qui ont encore la malchance d’ignorer cet écrivain, on pourrait établir une fiche d’identité en quelques mots. Dire qu’il appartient à la confrérie des écrivains du Montana, que c’est un écologiste amoureux, et un amoureux écologiste, qu’il connaît les femmes et qu’il connaît les loups, que ces personnages sont des taiseux à la parole d’or, que les truites sont elles argentées.
Dix nouvelles donc qui nous conduisent parfois sous la glace d’un lac gelé où tombe le chasseur Gray Owl sous les yeux d’Ann qui élève des chiens comme on sculpte : « Elle fut peinée pour Gray Owl, dit-elle, et soucieuse pour les chiens elle avait peur qu’ils veuillent suivre son odeur et qu’ils aillent vers le lac où ils se perdraient également. » Mais, contre toute attente, Gray n’a pas été englouti : sous la glace du lac, il n’y a rien. L’eau a été évacuée par le sol. Les deux protagonistes et leurs chiens vont traverser tout le lac sous la pellicule de glace qui les isole du monde.
Ailleurs, où sont les hommes, la violence des villes oblige à certaines pratiques étonnantes : « Ils ne peuvent sortir se promener le soir et, comme ils ont peur des éventuels coups de feu tirés de voitures passant devant chez eux, ils dorment avec de petits gilets pare-balles très légers, le bébé allongé entre eux deux. » L’étonnement vient alors de la sérénité qui se dégage des pages quand bien même celles-ci évoquent la mort ou la maladie d’Alzheimer d’un bûcheron. Ce recueil, probablement le plus urbain de Rick Bass, nous fait traverser des expériences saisies sur le moment, incroyablement vives, avec quoi les paroles des hommes et des femmes constituent un partage. Ainsi Kirby et Mary Ann : lui est pompier et trouve dans le danger l’exaltation que la vie peut procurer. Il lui raconte les incendies, l’effondrement des hommes, ce que la peur fait à la vue et comment une fois, ayant mal compris les ordres, il s’était trouvé en train d’arroser une maison où rien ne brûlait quand les flammes de l’autre côté de la rue saccageait une habitation : « Ils sont une fois de plus allongés sur le canapé, ce sont les dernières heures de la nuit ; elle rit. » C’est par la parole, le récit que l’amour trouve le moyen de ranimer les flammes. Rick Bass le fait sentir merveilleusement bien : le couple (sujet prédominant ici) ressemble au lac gelé de la première nouvelle. Il faut briser la glace, descendre dans ses entrailles et découvrir alors un autre paysage, une autre vie et qu’on appartient au même monde, à la même nature. Les femmes, chez Rick Bass, apportent cette lumière étrangement sereine, douce parce qu’elle a traversé les nuits les plus dures, parce qu’elle a vécu le deuil de l’amour, parce qu’elle témoigne du passage de la vie, ici, ailleurs, en d’autres temps. Dans « Les Cerfs », le narrateur qui voulait construire des routes dans la forêt a rencontré Martha : « elle m’avait expliqué que ce que je faisais était mal, que le fait de construire des routes dans l’ouest allait détruire les ultimes endroits sauvages et libres du pays. » Martha étudie les loups : « quand elle avait des sorties sur le terrain pour aller écouter les hurlements des loups (par un putain de froid de moins trente-cinq en janvier), je restais généralement en ville, à la bibliothèque. Je lisais la vie, pendant qu’elle la vivait. »
Avec Rick Bass aussi on lit la vie, avec le sentiment simultané de la vivre…
Thierry Guichard
L’Ermite

Rick Bass
Traduit de l’américain
par Anne Wicke
Christian Bourgois éditeur
245 pages, 23

Nature humaine Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°51 , mars 2004.