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Arts et lettres Mondes parallèles

mars 2004 | Le Matricule des Anges n°51 | par Richard Blin

Mirage d’une beauté perdue, reflet de nos hantises, objet de transferts affectifs ou érotiques, la poupée n’est pas seulement cette chose à tripoter et à choyer qui réconforte l’enfant confronté à la peur, ou à l’incompréhensible monde des adultes, quand celui-ci se fait trop grand et trop imprévisible. Chargée de rêves et de symboles, tour à tour porte-bonheur, instrument d’apprentissage ou d’initiation, objet d’un culte ou support d’un rituel magique, la poupée témoigne aussi de la très lointaine enfance du monde. Relique ou gris-gris, idole ou icône, jouet ou fétiche, elle a toujours joué un rôle de passeur. Entre le monde de l’enfance et celui des adultes, entre l’animé et l’inanimé, le sacré et le profane, le permis et l’interdit, le simulacre et le réel, le masculin et le féminin. C’est ce monde étrange où se croisent sur fond d’évocation et d’invocation mythes, émotions et fantasmes, qu’a choisi de donner à voir Poupées.
Conçu à partir de choix intimes et donc hétérogènes, ce livre et cette exposition1 sont le résultat d’un parti pris poétique excluant tout didactisme. Organisé en trois parties, il montre des poupées d’écrivains (textes inédits de Chantal Thomas, Straparole, Maryline Desbiolles, Pierre Péju (dont le conte cruel, Vilaines filles, écrit en hommage à E.T.A. Hoffmann, V. Hugo et H. Bellmer, est un petit bijou), Colette Fellous et Allen S. Weiss), des poupées rituelles et des poupées d’artistes. Le résultat est étonnant. On y voyage parmi des simulacres de corps allant de figurines réduites à leur plus simple expression (ficelle torsadée ; bout de roseau rehaussé d’un peu de cire modelée ; épi de maïs habillé de quelques coquillages et de perles ; bout de bois grossièrement taillé et coloré à l’aide de pigments naturels), jusqu’aux poupées ballerines de David Drutinus (nées de la synthèse entre la danse, le graphisme, et les influences conjuguées des cultures africaines et occidentales), en passant par la célèbre poupée de Bellmer (aux prodigieuses possibilités anatomiques « capables de rephysiologiser les vertiges de la passion », et par le réalisme saisissant des créations de Yotsuya Simon ou de Kazuyo Oshima qui a fait de sa fille son modèle de prédilection.
De la plus simple à la plus sophistiquée, de la plus nue à la plus martyrisée, on traverse le champ de toutes les illusions, de toutes les croyances, de tous les amours, de toutes les souffrances. Personnification des esprits, faiseuse de pluie, gardienne d’un autre monde, image de la perfection insaisissable, ou de la dérision (comme dans le petit théâtre photographique où Olivier Rebufa se met en scène avec la poupée Barbie) ; objet fétichisé (avec les poupées Chairdâme de Michel Nedjar ou celles que photographie Isadore Seltzer en appliquant leur visage contre la vitre de son grand scanner…) ; formes tératologiques ou corps abandonnés à eux-mêmes, avec les figures de Miguel Amate ou de Francis Marshall, c’est toute la lutte de l’homme expurgeant son mal-aise ou son mal-être, qui s’affiche ici, comme en témoigne encore Morton Bartlett, un solitaire, à la mort de qui on découvrit quinze poupées, qu’il avait fabriquées, habillées, mises en scène et secrètement photographiées pendant trente ans.
Mystérieux acteur d’une liturgie secrète ou d’une thérapeutique privée, petit golem dévoyé ou signe d’un temps arrêté, la poupée n’en a pas fini de fasciner. Déléguée à l’intercession avec l’au-delà du miroir ou de l’ici-bas, elle est ce prisme permettant les multiples allers et retours qui sont à la source de bien des plaisirs, à commencer par celui que donne ce livre, sobre et hanté.

Poupées
Sous la direction
d’Allen S. Weiss
Gallimard « Albums Haute
Enfance »/Halle Saint-Pierre
208 p., 130 photos, 34

1La Halle Saint-Pierre accueille l’exposition « Poupées » jusqu’au 25 juillet (2, rue Ronsard 75018 Paris) rens. 01.42.58.72.89.

Mondes parallèles Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°51 , mars 2004.
LMDA PDF n°51
4,00