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Poésie Do it yourself

mai 2004 | Le Matricule des Anges n°53 | par Xavier Person

Fait d’une accumulation de phrases trafiquées, « Fenêtre, porte et façade » de Jérôme Mauche n’est lisible que dans son illisibilité même. Le regarder dans le détail n’arrange rien.

Fenêtre, porte et façade

On pourrait dire de Fenêtre, porte et façade qu’il est un livre plein de détails, fait uniquement de détails, au sens où ceux-ci ne renvoient pas vraiment à un tout, mais disséminent au contraire, déconstruisent. Fragment d’un ensemble incohérent, chacune des phrases trouve une existence autonome, accumulées en un bloc compact, un compactage de phrases compactées, resserrées chacune dans une torsion qui donne à la question du sens une sorte de matérialité très plastique, caoutchouteuse.
Essayons tout de même d’extraire un détail de cette prose poétique un peu étouffante (genre pudding), par exemple page 47 : « Une dynamique croisière quadragénaire tout-risque atteint son port de plaisance qu’annonce au haut-parleur prochain l’accostage en plein naufrage d’un secours. » Sortir cette phrase du livre n’est pas l’extraire de son contexte puisque le régime du livre est à proprement parler une décontextualisation généralisée. Sortir cette phrase du livre est comme dans sa lecture se retrouver face à ce qu’on ne saisit pas exactement, une sorte de dyslexie syntaxique qui fait qu’on s’arrête, obligé de s’inventer à chaque phrase son mode de lecture. Lire cette phrase est juste essayer de la lire, tant quelque chose échappe toujours, un glissement dans l’ordre attendu, un renversement. Maquette d’une phrase plutôt que phrase, l’énoncé fonctionne comme miniaturisation cf. page 71 : « L’aviation d’un modèle réduit plane dans les airs quand la terre au passage s’écrase déjà. » Le changement d’échelle construit des trompe-l’œil à répétition, il permet à l’auteur de faire intervenir le territoire de la fiction comme mode opératoire. Le référent se laisse entrevoir dans la relance des possibles.
Le paradoxe est moteur. A priori, comme dans notre exemple, on pourrait dire que chacune des phrases de ce livre commence bien, normalement, avant de subir une déformation, une anamorphose pourrait-on dire, puisqu’en filigrane de sa légère aberration se laisse deviner une phrase ordinaire, sorte de lieu commun de l’époque, paysage contemporain standard, mais remixé, arrangé, bricolé. On pense à ce que dans son récent Postproduction (Les Presses du réel, 2004), Nicolas Bourriaud dit du DJ qui « peut agir physiquement sur l’objet qu’il utilise, en pratiquant le scratching ou par l’intermédiaire de tout un registre d’actions (filtres, réglage des paramètres de la table de mixage, ajouts sonores, etc.) », apparentant son set à une suite d’objets que Marcel Duchamp aurait qualifiés de « ready-made aidés ».
La lecture d’un tel livre a un côté joyeusement « do it yourself ». Elle est une invitation à passer au clavier de l’ordinateur à son tour. Revenons par exemple à notre prélèvement de la page 47 et, aussi bien, l’accostage en plein naufrage des secours pourrait être annoncé au haut-parleur par un quadragénaire dynamique. Modeler, remodeler, modéliser : cette poésie n’est qu’un moment possible d’une interactivité globale. Difficile en tout cas de ne pas sortir son Mallarmé au mot « naufrage », et de ne pas lancer les dés, d’un coup qui jamais n’abolira le hasard. Amusante toujours l’expérience du naufrage, et jouissive la sensation de glisser dans la béance d’une phrase. Et bénéfique l’idée que les secours auront sombré dans la dite phrase.

Fenêtre, porte
et façade

Jérôme Mauche
Le Bleu du ciel
120 pages, 14

Do it yourself Par Xavier Person
Le Matricule des Anges n°53 , mai 2004.
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