La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Domaine français La vertu des secousses

juin 2004 | Le Matricule des Anges n°54 | par Richard Blin

Deux nouveaux livres révèlent la vision du monde libertaire et libertine d’un Marcel Moreau plus percutant et plus amoureux que jamais.

Morale des épicentres

Comme tout insatiable qui se sait mortel, Marcel Moreau a la dépense magnifique, le verbe expansif et l’amour sublime. Il aime les saveurs qui brûlent, les fulgurances et les singularités joyeuses. Il est de ceux pour qui connaître et aimer relèvent de la même densité charnelle, de la même ivresse du verbe et de Vénus. Il manie une langue initiée à toutes les volubilités du jouir et aime « la morsure baladeuse des mots à l’intérieur d’un corps amoureux d’eux ». C’est un schismatique, un entêté qui préfère les « dialogues de ventre à ventre, plus que de tête à tête », et qui, à la mort et aux injonctions castratrices du temps, ne cesse d’opposer les bonheurs du corps voluptueux et de l’écriture « écrire, danser sa dysharmonie, au bras d’un style » et les illuminations qui fondent sa morale des épicentres.
Toujours en amour, qu’il s’agisse d’une femme ou du livre qu’il est en train d’écrire, Marcel Moreau (qui a, à son actif, quarante ans d’écriture, une quarantaine de coups de foudre et autant de livres publiés) est aussi un homme dressé contre les visions émollientes de ces humanistes qui rêvent d’un homme « métaphoriquement éviscéré », qui répondent à « l’être guerrier » par des exhortations de type évangélique ou utopiquement humaniste. Il est en lutte contre la supériorité affichée de la raison sur toutes les autres formes d’appréhension de la réalité. Dans Morale des épicentres, c’est ce combat qu’il met en perspective et qu’il structure autour de sa volonté d’accorder quasi symphoniquement « nos instincts, nos émotions, notre esprit (le ventre, le cœur, la tête) ». Livre nourri de liberté, de confidences, d’humeurs, ce récit fait du corps le paradigme absolu d’une conception jubilatoire de la vie. Car ce corps, qui a ses raisons que la raison ignore, est trop souvent réduit à sa seule moitié « mécanique, utilitaire, sexuelle, l’autre moitié, l’insoupçonnablement inouïe, antérieure à l’apparition de la raison, dépositaire de prodigieuses presciences, étant étouffée, ou neutralisée ou humiliée ». Moreau milite donc pour un corps tout entier réconcilié avec lui-même, à l’écoute des ressources de la mystérieuse géologie intérieure de ses tréfonds. La morale qu’il propose est une tectonique qui prône une connaissance par les secousses, seules capables de faire « tomber des pans entiers des non-valeurs qui nous asphyxient ». Éloge de l’intelligence des instincts, de la fécondité des ténèbres, ce livre écrit, dans l’esprit de la grande santé nietzschéenne, n’est qu’invite à quêter la vérité, nue, crue, salvatrice, qui gît en chacun de nous.
Remettre le verbe au centre du corps, au cœur des instincts, Adoration de Nona en propose une autre illustration. Écrit dans l’état « d’idiotie céleste » ou de « naïveté merveilleuse » dans lequel met l’amour triomphant, il célèbre les engendrements réciproques du corps charnel par le corps verbal et vice versa. Magnifiant les fastes du désir et du plaisir, il dit l’amour vécu jusqu’au paroxysme : une incandescence qui est une quintessence de toutes les voluptés.
Liaison dangereuse qui, d’ « effets de lecture luxurieuse » en transfusion d’émotions, et d’effervescences en efflorescences, vire au vertige de l’ébriété verbale, au surcroît d’extase qu’engendre la contemplation. La chair, alors, devient musique, le chant se fait épiphanique et le féminin tend à prendre la place du divin. « Ce livre est un adoratoire où je me retire pour t’adorer sans nuance ni répit et désirer insensément… »
À une époque où l’on ne sait plus parler de l’amour sinon pour en vendre les attraits faciles ou les visions pornographiques, cette écriture fouillée par la vie, remuée par les allées et venues du sang, sans cesse sollicitée par les ondes de choc de l’émotion en crue, fait de Marcel Moreau un écrivain presque exemplaire, un esthète de la sensation, quelqu’un pour qui les mots, s’ils sont le lieu de tous les possibles, sont avant tout la source d’un véritable art de vivre.

Marcel Moreau
Morale
des épicentres

(suivi de quinze lettres d’Anaïs Nin à l’auteur)
Denoël
365 pages, 22
Adoration de Nona
Lettres vives
110 pages, 13

La vertu des secousses Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°54 , juin 2004.