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Domaine étranger Régime sans celte

juin 2004 | Le Matricule des Anges n°54 | par Dominique Aussenac

Iain Crighton Smith relate les déportations dont furent victimes les paysans des Highlands au XIXe siècle. Lumineux et édifiant.

Le celte est une langue qui a l’image d’un train peut en cacher plusieurs autres. Ainsi, le gaélique permet aux Irlandais et aux Écossais de se comprendre au prix de quelques efforts, tout en étant incompréhensible des Bretons, Gallois ou natifs des Cornouailles. Ces peuples ont eu au cours de leur histoire, un ennemi commun, l’Anglais (anglo-saxon ou anglo-normand). Ce dernier, au nom du souverain, de dieu, du capital ou de la civilisation semble avoir tout mis en œuvre pour les éliminer.
Murdina Scott, premier roman publié en 1968 du polygraphe des Hautes Terres Iain Crighton Smith (en gaélique, Iain Mac a’Ghobhainn), décrit un épisode du XIXe siècle, entré dans l’Histoire sous le pudique terme d’Évictions. Lors du passage de la société clanique à celle pré-capitaliste, il fut décidé de déposséder les highlanders de leurs biens, raser leurs villages leurs églises et de les exiler sur la côte Nord, inhospitalière. Ce qui désertifia le pays, dispersa les communautés, provoqua des milliers de morts, obligeant du jour au lendemain des paysans à devenir pêcheurs. « Quand ils mourraient de faim, il y en avait qui escaladaient les rochers pour aller chercher les œufs de ces oiseaux de mer. Je ne sais pas leur nom… » Contrairement à son compatriote Walter Scott qui cent cinquante ans plus tôt illustrait légendes et fresques historiques clinquantes et pré-romantiques, Crighton Smith privilégie les personnages de marginaux solitaires. Son écriture surprend par la limpidité, la simplicité de son chant.
Murdina Scott, vieille femme aigrie ayant passé sa jeunesse au chevet de sa mère folle, a laissé fuir mari et fils. Extrêmement croyante, soumise, déstabilisée par l’émissaire venu lui annoncer l’expulsion prochaine, elle appelle à l’aide. Le pasteur lâchement l’ignore. Seul, un maçon autodidacte, grand lecteur, dont elle a toujours stigmatisé l’outrancière liberté, l’accueille. Cette rencontre opère un changement, engendre l’irruption fugace et incisive d’une dimension fantastique, alors que le récit est ancré dans le réalisme. Métaphore vivante, (triomphe de la fiction sur le réel, invitation à l’engagement, à la prise en charge de son destin) elle devient la sorcière de la seule histoire qu’elle ait jamais réussie à inventer à des enfants. Elle, qui, recroquevillée dans un ancien monde fossilisé par le poids de la fatalité, de la misère, l’individualisme, la culpabilisation prônée par un puritanisme hystérique et tortueux, attendait la mort, retrouve la force de mettre en place de nouveaux liens, de nouvelles solidarités, mais aussi pour la première fois de dire non. La vieille femme tient alors tête à ses spoliateurs.
Iain Crighton Smith (1928-1998) vécut dans sa chair, misère, exil, oppression. Né à Glasgow, il fut très tôt arraché à cette ville ; le père mort de tuberculose, il suivit sa mère sur une île des Hébrides, tout au Nord. Cette dernière, travaillant dans une conserverie de poissons, les mains brûlées par le sel, assura la survie de ses trois enfants. Maladif, Iain se réfugia dans la lecture, devint professeur, eut une activité littéraire prolifique, publia de très nombreux romans, recueils de nouvelles, poèmes et pièces de théâtre, le tout en anglais et en gaélique. Une œuvre dans laquelle la notion de vulnérabilité et de perte occupe une place importante. D’un naturel timide, cet homme de l’entre-deux (langue et culture), pouvant faire preuve d’un humour mordant et espiègle, voua toute sa vie une haine au puritanisme. « Le tonnerre gronda sourdement, comme lorsque quelqu’un parle d’une voix très très grave, puis il dégringola de nuage en nuage, tel un géant qui marche en posant un pied sur la route et l’autre pied dans le fossé. »

Murdina Scott
Iain Crighton Smith
Traduit de l’écossais
par François Happe
Le Passeur
190 pages, 14,50

Régime sans celte Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°54 , juin 2004.
LMDA PDF n°54
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