Ce roman de Nicole Maymat est une invitation à suivre l’auteur dans sa langue, dans ce qu’elle donne à voir, dans ce qu’elle donne à ressentir. Une langue qui caresse, effleure et accompagne le lecteur loin dans un imaginaire poétique. Suivre l’auteur dans un voyage dans l’espace et dans le temps, sur les bords de Loire ou plus précisément au bout d’une île minuscule entre Seil et Loire à la fin du XVIIIe siècle, dans une auberge isolée, lieu d’escale des mariniers.
Entre eux, la rivière est l’histoire de « ces gens-là » au fil des saisons, une histoire toute en retenue comme pour mieux préserver le secret de ces hommes, héros d’un fleuve parfois capricieux. Pas d’intrigue dans ce roman de l’intérieur où la force évocatrice du silence est omniprésente, renforcée par l’hiver rigoureux qui fait taire la nature et par l’amour secret que ressentent l’un pour l’autre Lise l’aubergiste et Simonet le marinier : « elle avait senti ses joues s’empourprer à la seule évocation de ce silence et du regard si tranquille du Simonet./ Il n’avait pas tenté un geste./ Simplement ils s’étaient regardés et ils étaient restés là./ Dans ce silence./ Dans le mitan de l’après-midi. » Des silences lourds parfois, annonciateurs de quelque chose qui devrait avoir lieu, bientôt. Quelque chose qui devrait changer le cours des vies. À l’aube de la Révolution française, la colère gronde là-bas, du côté de Paris. En attendant, de ce côté-ci de la Loire, les hommes ont des rêves plus aquatiques : rejoindre la mer, par exemple.
Par le détour de la fiction, Nicole Maymat demeure au plus près du réel, même si la langue poétique de l’auteur nous emmène loin dans l’imaginaire. Au final, c’est le lecteur qui est le véritable voyageur, en transit, le temps de la lecture de ce beau roman.
Entre eux, la rivière de Nicole Maymat
Seuil jeunesse, 74 pages, 8 €
Jeunesse Au fil de l’eau
juillet 2004 | Le Matricule des Anges n°55
| par
Malika Person
Au fil de l’eau
Par
Malika Person
Le Matricule des Anges n°55
, juillet 2004.