La grande maison à étages en abrite une plus petite à l’enseigne discrète, repérable sur ses couvertures par un quidam portant capuche. Nous sommes à Meudon-Bellevue, à l’ouest de Paris. D’un côté, un jardin privatif ; de l’autre, la voie ferrée. Et la route des Gardes, « juste en bas », et son ex célèbre riverain, le docteur Destouches. Notre hôte, Pascal Arnaud, feint la surprise. Pourquoi cette visite alors que son catalogue, inauguré il y a deux ans, est encore si « riquiqui » ? C’est juste : huit livres, à la parité parfaite (quatre d’auteurs français/quatre d’auteurs anglo-saxons) signés d’inconnus, mais en partie déroutants. Il suffit de lire Le Son de ma voix de l’Écossais Ron Butlin, vénéneux récit d’une descente aux enfers d’un bourgeois inapaisé et alcoolique. Ou la redoutable comédie gériatrique de Bryan Stanley Johnson R.A.S Infirmière-Chef, ou encore du même auteur son fantaisiste Christie Malry règle ses comptes. Trois livres qui maltraitent le genre humain mais rendent hommage à l’audace et à l’inventivité.
« Comme lecteur, je pense être un éclectique absolu, rien ne me rebute, explique Pascal Arnaud. J’aime être étonné. Et je prends du plaisir quand la forme extrêmement débridée ne bride en rien la lisibilité, l’expression. » Et de citer ses figures marquantes : Arno Schmidt, « le premier dans mon Panthéon », William Gaddis, Danilo Kis, William H. Gass, Thomas Pynchon, Julian Ríos, mais aussi Gracq, Michon, Volodine…
Le parcours de Pascal Arnaud n’a rien de tourmenté. Naissance à Saint-Etienne en 1954, préfère le rugby au foot, études de droit puis d’anglais « on y rigolait davantage ». Dans le cadre de ses études, il part aux États-Unis sur les traces de la mythologie en science-fiction, avant de se raviser : sa thèse portera sur Bukowski, qu’il ne finit pas, mais qu’il rencontra. Suivront sept années dans l’enseignement, délaissé en 1985 pour la presse, et quelques textes « vaguement » poétiques publiés en revues. Rencontre avec un lecteur boulimique, à l’insatiable curiosité, un amateur de vin qui vit son rêve sans que rien ne lui tourne la tête : « L’éditeur est un passeur, c’est tout. Il donne à découvrir, donne du grain à moudre au lecteur. Après le livre vit sa vie. »
Nommer sa maison d’édition Quidam, c’est un excès de timidité ou un refus d’individualiser votre aventure ?
C’était délibéré. Je trouve cela sacrément gonflé d’utiliser son propre nom en guise d’enseigne. Pour moi, les figures tutélaires de l’édition, c’est plutôt des gens comme Jérôme Lindon…
En fait, le nom de Quidam collait bien avec le dessin que m’avait offert Moebius, à l’époque où j’animais une émission consacrée au polar et au jazz sur une radio libre que nous venions de créer avec six copains, la première de Saint-Etienne c’était juste avant l’élection de Mitterrand en 1981, on avait mis 5 000 francs chacun et bricolé un émetteur. Ce dessin m’a toujours suivi, tout le temps… Et si Moebius, vingt ans plus...
Éditeur Quidam se fera un nom
Lancée en juin 2002, aux portes de Paris, la jeune maison d’édition cherche à promouvoir des voix oubliées ou naissantes en misant sur l’inattendu, l’iconoclaste. Un travail résolument inscrit dans les marges.