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Domaine français Carrosses et caresses

novembre 2004 | Le Matricule des Anges n°58 | par Richard Blin

Au pas du vagabond désir et au rythme de l’émotion qui s’affole, Patrick Wald Lasowski nous dit tout des transports qui ravissent.

Le Traité du transport amoureux

Patrick Wald Lasowski a l’érudition heureuse et la plume allègre. Auteur d’essais riches et subtils consacrés à la sensibilité libertine du XVIIIe siècle (Libertines, L’Ardeur et la galanterie), responsable de l’édition des Romanciers libertins du XVIIIe siècle dans la Bibliothèque de la Pléiade, il nous avait donné l’année dernière un très jubilant Traité des mouches secrètes (Le Promeneur) où il était autant question des mouches (espions) de la police que de ces petits morceaux de taffetas ou de satin noir qu’on s’appliquait sur la peau en les mouillant, et dont l’emplacement théâtralisait le désir tout en « annonçant la couleur ». Il récidive cet automne avec son Traité du transport amoureux, un petit livre vif et débridé, tout en malice et en connivences.
Nous replongeant au cœur de ce XVIIIe siècle qu’il connaît si bien un siècle dont les Goncourt disait qu’il respirait la volupté, qu’elle était son atmosphère et son souffle et usant de toutes les séductions dont la métaphore est capable, Patrick Wald Lasowski s’intéresse cette fois à la question du transport, à tout ce qu’il mobilise, depuis l’élancement amoureux jusqu’au coup de fouet du cocher. Dit autrement, qu’en est-il des rapports du sexe et du transport ? Il le fait avec la légèreté, et le sérieux, qui sied à un tel sujet, c’est-à-dire en enchaînant courtes scènes habilement troussées, anecdotes croustillantes, arrêts sur image ou tableaux empruntant aux romans les plus connus comme aux plus spécialisés.
À tout seigneur tout honneur, c’est à Casanova, l’affamé de jouissance, « le coup de foudre incarné » que revient l’honneur d’être sollicité le plus souvent. Mais Rousseau, Marivaux, Crébillon fils, Prévost, Laclos, Vivant Denon fournissent leur lot d’illustrations au même titre que L’Histoire de Guillaume, cocher, du comte de Caylus, ou du Parfait cocher, ou « l’art d’entretenir et de conduire un équipage à Paris et en campagne, avec une instruction aux cochers sur les chevaux de carrosse et une connaissance abrégée des principales maladies auxquelles les chevaux sont sujets, ouvrage utile tant aux maîtres qu’aux cochers ».
Ce parcours mené à bride abattue dans les coulisses du plaisir nous emporte dans le monde des seigneurs libertins, des roués et des petits-maîtres cherchant à mener grand train. Un monde où le fiacre, le carrosse, le phaéton ou le cabriolet jouent un rôle essentiel. À l’image de la circulation frénétique des corps et de la course souvent désordonnée du désir, ces moyens de transport permettent de faire de l’intervalle entre le point de départ et l’arrivée, un espace hautement érotisé, un motif et un prétexte à la manifestation violemment expressive du transport amoureux. Ferveur qui est l’occasion du déploiement de toute une stratégie allant de la science des déplacements à la relance du désir en passant par la sauvegarde des apparences et la maîtrise de tout ce qui gouverne les effusions clandestines. Il y a d’ailleurs souvent symétrie entre les allures « On va, on vient, on ralentit » qu’adopte le cocher (personnnage-clef qui doit, tout autant que les filles publiques, être versé dans l’art de la divagation et tout connaître des rues, des ruses et du commerce érotique dont il est si souvent complice) et ce qui se joue à l’abri des regards indiscrets. Usage artiste du temps et de l’ici/maintenant (car il s’agit aussi pour la femme de céder dans les règles « comme il se doit », et « au moment nécessaire ») qui marque le triomphe de la théâtralité et du libertinage. « Fiacres et carrosses constituent ce lieu paradoxal, visible aux yeux de tous, circulant au milieu des regards, où bourdonnent tant de secrets dérobés et de plaisirs défendus ».
Ces transports qui ouvrent tant de voies détournées à la jouissance connaîtront leur apothéose avec la montgolfière dont la première apparition publique date de 1763. Quoi de plus indiqué en effet, pour monter au ciel, que cette machine qui « se gonfle, grossit à vue d’œil, prend de la consistance, se tend dans tous les points, (…) s’endurcit et se couvre d’orgueil » ? Belle occasion d’échapper à sa condition, et de redoubler le transport céleste… avant la chute que l’on sait dans la Révolution et la Terreur.
Un grand plaisir de lecture, donc, que ce Traité du transport amoureux palpitant de désirs, d’errances calculées, d’emportements précipités, et de transports enivrants sur fond de sexe toujours fuyant.

Le Traité du transport amoureux
Patrick Wald Lasowski
Gallimard, « Le Cabinet des lettrés »
102 pages, 15

Carrosses et caresses Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°58 , novembre 2004.
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