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Histoire littéraire Fantastique Le Fanu

novembre 2004 | Le Matricule des Anges n°58 | par Thierry Guinhut

À la fois joyeux et angoissant, « La Maison près du cimetière » du maître irlandais déploie une force toute surnaturelle.

La Maison près du cimetière

Non sans clin d’œil au lecteur, le roman s’invite entre nos mains avec des têtes de chapitres haletantes : « Où arrive un cercueil sans nom », « Où se rencontrent les fantômes d’un ancien péché », « Où Puddock purge la tête d’O’Flaherty, un chapitre que, je l’espère, aucune personne bien élevée ne lira »… Un prologue dans lequel on déterre un crâne « troué par une balle et fendu à coups de tisonnier » annonce l’histoire que nous allons entendre de la bouche d’un narrateur emboîté. Celle-ci commence par l’exhumation du cercueil de plomb d’une vieille dame, sous la direction d’un jeune homme au « pâle visage mélancolique et sculptural » dont les yeux « suggéraient une histoire et un secret une horreur qui sait ». Le style est chargé, parfois labyrinthique, et néanmoins très évocateur et térébrant : « pourquoi remuer à présent le souvenir pâli de deux crimes retentissants, après une obscurité de vingt et une années, comme pour rafraîchir la mémoire du scandale et faire aboyer la gorge du monstre sur les talons de la vieille horreur de minuit ? » Il est vrai que l’on s’impatiente un peu en avançant dans un récit qui prend largement ses aises à force d’acteurs, d’anecdotes, de lubies, de conversations d’auberges et de champ de foire, de duel burlesque et de cancans… D’aucuns trouveront cela fastidieux. Mais, peu à peu, viennent à s’enclencher les ressorts du mystère, le thriller terme ici anachronique prend du jus, le lecteur se sent pris dans un brillant mécanisme. Dans la demeure « Sous les tuiles », une main fantôme apparaît pour tourmenter une famille. Plus tard, un père mort fait parvenir un message à son fils…
La tradition du roman gothique, depuis Le Château d’Otrante de Walpole, Le Moine de Lewis ou Frankenstein de Mary Shelley, irrigue ce copieux roman. L’épouvante, comme il se doit, pointe son groin grâce à quelques trucs classiques : un crâne, un beau ténébreux, un passé inavoué… Mais avec quelque chose en plus : une richesse de construction, une ironie constante, des facéties sans nombre, une pléiade de personnages dont aucun ne domine vraiment en tant que héros reconnaissable. Le véritable héros serait ici l’écriture romanesque. On ne sera pas surpris que Joyce ait aimé ce roman, à voir combien le style de Le Fanu est mobile, spirituel et retors, comment il emprunte les voix diverses et vivantes de ses personnages, jusqu’au rendu des bavardages, des stratégies sociales et de séduction… De plus, on ne peut s’empêcher de lire La Maison près du cimetière comme une satire aussi aiguisée que spirituelle de la société vertueuse du temps, satire qui, depuis 1863, à peine a pris une ride. Et peut-être faut-il se demander si Le Fanu ne serait pas, avec son contemporain Wilkie Collins, le créateur de ce genre moderne : le thriller, roman mêlant ici enquête et fantastique pour abreuver le lecteur de suspense et de sensations fortes.
On s’étonne qu’il s’agisse là de la première traduction française. Car l’amateur se rappelle que Le Fanu (1814-1873) publia Carmilla, qui passe pour l’une des plus belles réussites du récit de vampire. Il peut également lire dans Schalken le peintre des nouvelles fantastiques parmi lesquelles on est livré à la perplexité, hésitant entre plusieurs hypothèses possibles pour comprendre comment, par exemple, une jeune fille peut être vendue au diable. Et, également chez José Corti, un fort roman, L’Oncle Silas, où le fantastique est battu en brèche par le rationnel. Si La Maison près du cimetière finit par « un nom ancien fut lavé du déshonneur », par un mariage « comme un conte de fées » bien moralisateur, et si la raison paraît y triompher, nous aurons entre-temps tremblé avec bien du plaisir à la frange palpitante du surnaturel.

La Maison prÈs
du cimetiÈre

Joseph Sheridan
Le Fanu
Traduit de l’anglais
(Irlande) par
Patrick Reumaux
Phébus
640 pages, 24,50

Fantastique Le Fanu Par Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°58 , novembre 2004.
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