Dans ce nouveau volume qu’il consacre aux lettres (après La Lettre et l’image, réédité chez Gallimard en 2003), Massin a opté pour une perspective historique. Partant des graphies les plus lointaines (hiéroglyphes et pictogrammes protosinaïtiques), il explore ainsi les métamorphoses de notre alphabet, de la lettre A, tenue pour une consonne par les Phéniciens, dont le tracé n’est plus aujourd’hui qu’un piètre avatar de la tête de bœuf qu’elle était à l’origine, jusqu’à la lettre Z, qui ne figurait pas dans l’alphabet latin, et que l’on rejeta à la fin de la série d’une part afin de ne pas bousculer un ordre bien établi, d’autre part parce qu’elle n’évoquait rien de bon, étant selon Barthes « la lettre de la mutilation ».
Azerty est une mine d’or pour qui s’intéresse à ce qui fait la chair des mots, ou pour qui, tel Victor Hugo, pense encore que « la société humaine, le monde, l’homme tout entier tient dans l’alphabet ». On y découvre l’apparition de la cédille, la disparition des capitales, l’évolution des différentes graphies d’une même lettre dans une riche iconographie qui ne se contente pas d’illustrer les propos de Massin mais qui constitue une sorte de texte parallèle.
La dernière partie de l’ouvrage surprend quand même un peu : certaines lettres donnent à Massin l’occasion d’une exploration inattendue le fantastique via le F, le graffiti via le G, le kaléidoscope par le K, une nouvelle intégrale de Kipling avec le L, la variation avec le V… Après tout, pourquoi pas. Cela ne semble pas tout à fait gratuit. Peut-être une manière comme une autre de rappeler que les lettres servent d’abord à former des mots.
Azerty, l’alphabet du monde de Massin
Gallimard, 176 pages, 23,50 €
Essais De A à Z
janvier 2005 | Le Matricule des Anges n°59
| par
Didier Garcia
Un livre
De A à Z
Par
Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°59
, janvier 2005.